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Ultra-trail - La « 555+ » : Dans l’enfer du décor


Publié le vendredi 7 novembre 2008 à 14h39min

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Avec ses 564 km, la " 555+ " est l’épreuve de course à pied la plus longue du monde. Demain en Égypte, ils seront 23 fous furieux à oser prendre le départ.




Il s’appelle Alain Gestin. C’est un original qui vit sur une autre planète depuis qu’il a arrêté la cigarette et démissionné de son job il y a treize ans. Barbe mal rasée, longs cheveux gris ébouriffés, cet ancien cadre commercial dans la sécurité est devenu aventurier. A 50 ans, Monsieur " j’ai-troqué-ma-voiture-contre-une-paire-de-runnings " a relié Dakar à Paris en six mois, tout seul et en courant. 7000 km.

Aujourd’hui, il organise des courses que personne, ou presque, ne peut terminer. Sa plus belle œuvre s’appelle la 555+, et elle part demain de l’oasis de Bahariya, en Égypte. Un ultra-trail qui constitue probablement la plus difficile épreuve de ce type au monde. " C’est quoi ce probablement " ? s’énerve notre extrême-runner. Bien sûr que c’est la plus dure, monsieur. Vous la comparez au Marathon des Sables ? Mille mecs arrivent au bout de ce truc. Chez moi, ils ne sont pas plus de 30.

La Badwater ? (une célèbre course qui se déroule chaque année aux États-Unis, ndlr) 170 km. Quatre fois moins long ! Même si on court par 50 °C, ça se passe sur du goudron, avec une voiture pour rafraîchir les coureurs. Voilà donc un énergumène, au débit de paroles aussi long que le nombre de kilomètres qu’il avale, capable de nous persuader qu’enchaîner quatre marathons d’affilée en plein cagnard équivaut
à une promenade de santé. Dans la 555+, 564 km sont gobés en une seule étape de six jours pour les meilleurs, sans assistance, au milieu du désert.

L’Everest des coureurs

Ce n’est pas moi qui ai voulu faire aussi long, se défend son organisateur. Pour la première édition, il y a quatre ans, j’avais proposé 555 km. D’où le nom de l’épreuve. On arrivait dans un trou paumé. Les coureurs, eux, m’ont dit : "Alain, après en avoir chié autant, on préférerait finir dans une ville pour profiter d’un hôtel. Il y en a une à 60 bornes. On vient de s’en frapper un demi-millier, on n’est plus à ça près. "Moi, quand j’ai entendu ça, j’ai juste obéi. Je ne suis pas comme ça... " La course se passait alors au Niger et s’étirait donc sur... 609 km.

Cette année, elle a été déplacée en Égypte et raccourcie de 45 bornes. Les braves qui osent se lancer dans cet enfer sont 23. De toute façon, ils ne seraient pas beaucoup plus dans le monde capables d’arriver au bout, coupe Alain Gestin. Dans le lot, il y a de richissimes avocats et des mecs qui distribuent des journaux gratuits dans les boîtes aux lettres. Mais tous ces gens, le soir, quand ils rentrent du boulot, ils font la même chose. Ils partent en pleine nuit avec la frontale pour s’entraîner. Une communauté dans laquelle notre ancien fumeur prend le rôle de chef : "Je suis toujours à leur cul. Les participants savent que je suis le seul à avoir les c... pour organiser de telles courses et les motiver à finir ".

Devenir un finisher de la 555+ constitue un exploit que son manager compare à un tour du monde sans escale pour les marins ou à l’ascension de l’Everest pour les alpinistes. Ceux qui franchissent la ligne d’arrivée méritent plus que des félicitations tant, dès les premiers kilomètres, ils doivent soulever des montagnes de volonté. "Le moment le plus fort, c’est la première nuit, raconte celui qui compte traverser le désert du Ténéré en solitaire dès 2009, pour son 65 ème anniversaire. Les mecs se rendent compte qu’ils sont dans un bac à sable de 1000 km. Imaginez que vous êtes à Paris et qu’il n’y ait aucune végétation jusqu’à Marseille. Vous êtes tout seul, à la belle étoile, avec une petite montre GPS autour du poignet". Malgré cette effroyable vision, la volonté de ces extra-terrestres est telle qu’ils continuent leur chemin. Pour les premiers arrivés, la marche constitue un mode de déplacement utilisé sur un quart du parcours seulement. Autrement, c’est la course, et encore la course.

En frôlant la mort

Chacun s’hydrate en récupérant deux litres d’eau sur les points de contrôle, présents tous les 22 km. Mais malgré ces passages, la solitude pèse, admet le boss. Certains participants hallucinent. J’ai connu un architecte de Genève qui voyait l’Empire State Building. D’autres se créent des groupes de Bédouins fictifs pour les accompagner. Ils essaient de leur parler mais personne ne répond. "Au cas où un pépin physique surviendrait, trois médecins suivent les participants". Plus l’épreuve est dure, s’étonne l’organisateur, moins il y a de problèmes. Les gars ont tellement d’expérience qu’ils se connaissent par cœur. "Les efforts sont dosés au détail près. Le temps de repos avoisine les deux heures toutes les 24 heures, même si chacun reste libre de gérer son temps. Certains profitent des zones de ravitaillement pour piquer un somme, d’autres s’allongent simplement dans le sable".

Dunan Beaudouin, un grand avocat au barreau de Genève, fait du yoga pendant ses arrêts. On le croise derrière une dune, la tête en bas et les pieds en haut. Il reste 10 minutes. Et puis, il repart. "Aujourd’hui, Alain Gestin n’a peur que d’une chose : perdre l’un des concurrents. Lors de la dernière édition, en 2006, un participant s’était égaré et a frôlé la mort. Il a attendu deux jours avant que les secours le repèrent. Il ne lui restait plus qu’un centilitre d’eau. Mais cette année, il est de retour". Un héros du désert n’abandonne jamais devant la difficulté.

* Article publié par Geoffroy Bresson


Voir en ligne : Myfreesport

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