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Pakistanaises, pas soumises !


Publié le jeudi 2 mars 2006 à 23h33min

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Dimanche 30 janvier 2006, Lahore, Pakistan : 15000 personnes, femmes, hommes et enfants soutenus par quelques sympathisants étrangers prennent le départ de la course. Un marathon mixte sous haute surveillance.




Depuis l’annonce officielle début janvier, des groupes islamistes ont tout tenté pour interdire cette nouvelle course mixte et intimider les participants, créant un climat de grande tension. Mais toutes les menaces, campagnes de boycott et manifestations n’auront pas eu raison de la volonté de ces milliers de femmes qui, malgré leurs peurs, se sont élancées aux côtés des hommes. Après leur victoire symbolique du 21 mai dernier, où 300 athlètes femmes et hommes ont couru ensemble, elles étaient plus que jamais déterminées à ne pas reculer face à leurs détracteurs et surtout à prouver que le Pakistan peut être aussi un pays de mixité et de tolérance.

Tout commence en décembre 2004, quand pour la première fois dans l’histoire du Pakistan est organisé un marathon mixte, une activité à priori des plus anodines. Cette course marque le début d’un long et douloureux bras de fer entre d’un côté, les femmes activistes qui se réjouissent de ce premier succès et de l’autre, les mullahs qui critiquent violemment cette initiative et attendent la moindre opportunité pour réagir. Ainsi, début avril 2005, des leaders du Muttahida Majlis-e-Aamal (MMA), une puissante alliance de partis politiques islamistes, accompagnés de quelque 900 partisans armés, n’hésitent pas à envahir le stade de Gujranwala, une ville de la province relativement libérale du Punjab, et à agresser sauvagement les participants de ce nouveau marathon mixte, hommes ou femmes ! Une extrême violence qui témoigne de la « croisade conservatrice » dans laquelle s’est lancé le MMA qui qualifie ces marathons « d’activité obscène et vulgaire ». Un bras de fer long et périlleux

En réaction à cette intervention démesurée et injustifiée, les mouvements féministes s’organisent et manifestent devant le Parlement national pour dénoncer cette attitude « talibanesque » envers les droits des femmes. Depuis son accession au pouvoir dans la province de la frontière nord-ouest (NWFP) en 2002, le MMA n’a cessé de restreindre leurs libertés : il a interdit la musique et la danse en public, a banni les panneaux publicitaires mettant en scène des femmes et a instauré une ségrégation féminine dans les universités. Nul donc ne s’étonnera des propos tenus par ces femmes activistes lors de cette manifestation : « Ces mollahs veulent juste que nous restions à la maison, que nous ayons des enfants et Dieu sait quoi encore », ou bien des messages écrits sur leurs pancartes « L’obscénité est dans votre tête ».

Pour ne rien céder, elles organisent un nouveau marathon mixte le 14 mai 2005. La lutte est lancée. Cette fois, les organisations de femmes font face à deux adversaires. D’un côté, elles s’attirent les foudres des islamistes les plus radicaux qui menacent d’intervenir à nouveau et de l’autre, elles sont confrontées à l’intolérance du gouvernement Musharraf qui, par peur des débordements entre athlètes et partisans du MMA, décide purement et simplement d’interdire la course. Le bras de fer s’annonce périlleux alors que la course du 14 mai est annulée à la demande du général Musharraf et que de nombreux participants ayant bravé l’interdiction sont interpellés et arrêtés par la police. Mais c’est finalement le gouvernement qui cède : la course organisée une semaine plus tard, le 21 mai, aura bien lieu. Bien sûr, ce petit marathon était peu susceptible de marquer l’histoire du sport, mais son simple maintien revêt une dimension tout à fait symbolique.

Les intellectuelles dans la course

Face à cette volonté de réduire leurs libertés, les femmes tiennent tête et même si elles savent que la route reste longue et que la vraie victoire ne viendra qu’avec la reconnaissance de leurs droits et la démocratie, elles n’hésitent pas, quelque soit leur statut social, à affronter leurs opposants, comme en témoigne l’incroyable implication d’Asma Jahangir. Cette avocate, militante depuis de longues années, a présidé la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP - https://hrcp-web.org/hrcpweb/ et exerce depuis 1998 la fonction de rapporteuse spéciale des Nations unies de la commission des droits de l’homme.

Elle est la principale organisatrice de ces petits marathons : « un petit pas pour la commission des droits de l’homme, mais un pas immense pour le Pakistan ». Malgré son statut d’« intellectuelle », elle n’hésite pas à risquer sa vie en organisant et participant à ces courses mixtes pour soutenir ses « sœurs » pakistanaises dans la lutte pour une reconsidération de leur statut. Cet exemple n’est pas isolé. Les femmes ont depuis longtemps combattu pour leurs droits et face à la radicalisation et à l’instrumentalisation de l’islam, leur lutte s’est intensifiée. Le sport est devenu un nouveau terrain de bataille pour ces femmes qui veulent gagner leur liberté.

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