Par dessus le Kénya, la Rift Valley et les étoiles filantes...
Publié le mercredi 16 janvier 2008 à 08h41min
Le Kénya a beaucoup donné à la course à pied. Qui ne connaît pas le plateau de la Rift Valley, où naissent chaque année de futures stars de l’athlétisme mondiale ! Malheureusement, le pays est touché actuellement par une crise politique "virulente" ! Selon les experts, cela va engendrer une crise économique qui risque de faire très mal au peuple kényan pendant plusieurs années ! Espérons qu’ils se trompent et que cette magnifique partie de l’Afrique réussisse à se relever et puisse résoudre ces problèmes, comme je le souhaite à tout le peuple africain, de tout mon cœur. L’Afrique, berceau de la civilisation, constitue sans doute une grande partie de l’avenir du monde. Ceci dit, comme je m’intéresse à la course à pied, je ne peux oublier, en particulier, les exploits de deux étoiles filantes, que je vais vous raconter, mes cher(e)s ami(e)s, dans le texte suivant.
Le chef-d’œuvre de Daniel Komen
Que la gloire est éphémère ! Qui parle encore de Daniel Komen ! Le grand prodige Kényan du 3000 et 5000 m. Si dans votre carrière d’athlète vous avez laissé des records du monde, de temps en temps , on parlera de vous, surtout lorsqu’un autre athlète s’attaque à votre record ! En 2003, un journaliste de L’Equipe magazine demanda à Gebré pourquoi ce dernier ne se consacre pas à cent pour cent au marathon comme il l’avait annoncé. Le Négus ethiopien répondit que s’il le faisait, et qu’il quitte la piste, on parlerait moins de lui, et qu’on finirait par l’oublier ! Le grand Hailé a compris la loi du sport...c’est comme ça ! Vous savez, les athlètes le savent très bien ; dès que leur carrière s’achève, ils sont oubliés. Malgré les performances, les titres, la grande médiatisation pendant la carrière....tout ça s’oublie au fur et à mesure que les années passent ! A l’approche de fin de carrière, l’athlète commence à sentir cette angoisse de l’oubli....C’est pénible ; on passe d’une dimension à l’autre !
Edwards Jonathan, aux mondiaux de Paris, versa des larmes et dit :" Non, non, croyez moi, je ne suis pas triste....C’est l’émotion....J’ai eu de la chance d’avoir une aussi grande carrière !" Mais Edwards le sait très bien.... Malgré les records, les titres, la joie qu’il a eu et qu’il a donné ; on va finir par l’oublier et médiatiser son successeur... Et ainsi de suite ! Alors le Kényan a laissé sa trace dans la fabuleuse histoire de la course à pied ! Que ce soit en salle (7’24"90) ou en plein air (7’20"67), le grand Daniel a placé la barre très haute ! Enorme prodige que ce garçon, véritable génie du 3000 m-5000 m ! Il a été ce que j’appelerai " un miler vers le haut" par excellence ! Il était léger sur la piste. On dirait "porté par le vent" ! Il avait cette manière d’être systématiquement viveroletant, volant, presque glissant sur un coussin d’air qui serait dissimulé dans le tartan ! Son rythme de course soutenu en permanence est d’une constance remarquable. Sa foulée effleurant la piste lui permettait de gagner beaucoup d’energie par rapport aux autres, même à des rythmes très élevés. D’égal à égal avec Gebré sur le 5000 m, Daniel dépassait Hailé sur le 3000 m. En 1997, il courra le 1500 m en 3’29"45 et le mile en 3’46", sans même faire de "préparation spéciale pour cela" ! De l’autre côté de la Rift valley, le grand Hailé, au meilleur de son niveau et au printemps de son âge n’a pu faire mieux que 7’25".
En 1999, El Guerrouj s’attaqua à ce record ; il échoua à presque deux secondes et demi (7’23"09). Après la course, il a fallu que quelqu’un aille le soutenir pour qu’il ne tombe pas ! Le marocain n’a plus réessayé !!! Il sait alors que Komen les dépassait tous sur cette distance qu’est le 3000 m. En effet, pour battre ce record, il ne suffit pas d’avoir une bonne pointe de vitesse ; il faut pouvoir soutenir un rythme très élevé du début à la fin (il faut aligner deux 1500 m en 3’39"50 chacun !). La plus grande difficulté, ce sont les derniers 1000 m, car l’athlète doit être concentré au maximum, et pouvoir faire le train lui-même, et ne pas perdre les secondes qu’il a gagné grâce aux lièvres. Daniel Komen ne possédait pas une grande pointe de vitesse, mais il avait cette belle et légère "foulée volante" qui lui permettait d’être moins atteint que les autres lorsqu’on aborde les derniers 1000 m. Bref, un "spécialiste par excellence des 3000 m très rapides". En 1997 à Athènes, lorsqu’il a été sacré champion du monde du 5000 m, à 1500 m de l’arrivée, il est parti tout seul en tête et au dernier virage, il pouvait même se permettre de finir en marchant ! Un grand hommage donc à ce génie de la course à pied.
Les grands exploits de Noah Ngeny
En 1999, au début de l’été, alors que la saison s’annonçait très belle, le kényan Noah Ngeney est enfin prêt pour défier El Guerrouj sur le 1500 m. Au meeting de Paris, on monte le 1500 m spécialement pour lui. En effet, au même moment, le miler marocain était soigné dans un hôpital de Rabat, pour une sévère crise d’hémorroïdes. Il a même avoué à sa petite soeur qu’il n’a plus confiance en ses moyens contre le kényan, d’autant que ce dernier venait de courir un 1000 m en 2’12", en échouant de peu contre le record du monde. Cette course parisienne se passe pour Ngeny comme une véritable "parabole" ! Partant à 500 m de la ligne d’arrivée, et dépassant ses lièvres avec une facilité déconcertante, il finit en 3’28"85 ! Lorsqu’il est passé aux 1200 m en 2’46" (les temps d’El Guerrouj dans son record du monde à Rome en 1998), le public parisien retient son souffle... Le kényan a eu droit à un " Very Good, Noah..." de la part de l’organisateur...
El Guerrouj avait peur de Ngeny. En effet, c’était le seul, avec Morceli, qui pouvait conduire un bon 1500 m à la manière d’un grand spécialiste du demi-fond. Contrairement au marocain qui avait des foulées amples, le kényan avait des foulées moins grandes, mais plus fréquentes. Sa technique de course lui a permis de battre le record du monde du 1000 m, qui était détenu par Coe depuis 18 ans ! 2’11"96 ! On n’oubliera pas, non plus, son grand duel avec El Guerrouj, en juillet 99, à Rome lorsque le marocain bat le record du monde du mile. Ngeny est resté, pendant toute la course, très près de son rival, et finit lui aussi en moins de 3’44" (3’43"40) ! Il possède le deuxième chrono de l’histoire sur le mile. En 1998, il est surnommé le "métronome" du demi-fond, pour ses qualités excellentes de "lièvre". Lors du record du monde du 1500 m, encore à Rome, il est passé comme lièvre aux 1200 m en 2’46", et il a fini quand même la course en 3’32" !!! Mais, l’heure de gloire du grand Noah, de la Rift Valley, digne successeur de Kip Keino, était bel et bien, fin septembre 2000 à Sydney, où il remporte la médaille d’or du 1500 m, devant l’immense favori, son maître de 98, Hicham El Guerrouj ! Son entraîneur disait dans les journaux : " il me fallait 3 ans pour convaincre Noah, qu’il pouvait battre El Guerrouj, mais à condition d’oser l’attaquer..." Ngeny a osé, a pu le faire et a réussi...
Né le 2 Novembre 1978, Noah Ngeny jette l’éponge et annonce la fin de sa carrière à la fin de l’année 2006. Le grand spécialiste du 1500 m n’a pas pu se remettre d’une blessure récurrente contractée en 2001, lors d’un accident de voiture au Kénya. Voici ses propos : "les dernières années ont été frustrantes. Je m’entraînais bien pendant l’hiver mais dès que je recommençais à faire des sessions plus rapides sur la piste, la blessure ressurgissait. J’ai passé plus de temps sur la table de kiné que sur mes pointes". Vice champion du monde du 1500 m à Séville en 1999, le kényan restera dans l’histoire du demi-fond, comme un génie du 1500 m, coincé entre une blessure et un maître. Alors, un grand hommage à Noah "Niène" comme dirait un kényan, et merci pour 99 et 2000 et bonne chance dans la "vraie vie" comme dirait un Zidane...
