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Maria Mutola, la chute d’une reine d’Afrique


Publié le mercredi 29 août 2007 à 09h12min

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Le « Maputo express » a déraillé sur la piste d’Osaka. Ça s’est passé à l’entrée de la dernière ligne droite du 800 mètres. On ne sait s’il redémarrera ni quand.




Quiconque a un jour jeté un œil, même très distrait, même il y a plus de quinze ans, et est tombé sur Maria Mutola ne pouvait que se dire, en voyant les concurrentes au départ du 800 m féminin, « c’est pas possible, elle est toujours là ». La Mozambicaine Maria Mutola, 35 ans en octobre, c’est une gueule et un corps qu’on n’oublie pas. Visage émacié, carré, fermé. Cou rentré dans des épaules de déménageur. En dessous, que du muscle. Rien d’autre.

Figuration

Cette gueule, ce corps et ces muscles font partie du paysage de l’athlétisme depuis 1991. C’était au Japon. Championnats du monde à Tokyo. Encore junior, elle termine quatrième du 800 m, à 5 centièmes de la médaille de bronze, en battant le record du monde de sa catégorie d’âge. Et hier soir elle était encore là au départ du 800 m. Entre-temps, elle avait participé à tous les Mondiaux pour trois titres (1993, 2001, 2003, plus sept victoires en salle), gagné la première médaille olympique du Mozambique en 1996, puis l’or à Sydney, puis à Athènes. Entre-temps, Maria Mutola était devenue peut-être la meilleure coureuse de 800 m de l’histoire. Hier soir, elle était toujours là au départ, pas franchement différente de ce qu’elle était en 1991 ; pas pour faire de la figuration.

Elle était toujours là à 100 mètres de la ligne. A la bagarre pour une médaille. Pas l’or, promis depuis le ­départ à l’ébouriffante Kényane Jepkosgei. Puis elle s’est arrêtée. A claudiqué jusqu’à la pelouse avant d’être fina­lement emportée sur une ­civière. Dans le quartier défavorisé de Maputo où elle a passé son enfance, Maria Mutola voulait jouer au foot. Comme ses frères. Elle y joue d’ailleurs tellement bien qu’elle tape dans l’œil d’un entraîneur qui la recrute pour l’équipe d’un quartier avec laquelle elle remporte un championnat local. Seule fille dans un monde de mecs, elle comprend qu’elle ne pourra pas s’y incruster quand une équipe dépose une réclamation : le foot n’est pas un sport de gonzesse. Retoquée pour le foot, elle est barrée pour le basket (trop petite, 1,61 m).

Pygmalion

C’est là que l’histoire devient exemplaire, avec l’apparition du pygmalion providentiel. Emu par le sort de cette fille qu’on empêche de taper dans un ballon, José Craverinha, célèbre poète mozambicain, s’émeut. Il est dingue de sport, son fils est entraîneur d’athlé. Il lui offre une paire de baskets et lui présente son fils. Le premier entraînement est un cauchemar. Le poète doit faire le forcing chez les parents de la gamine pour la ramener sur les pistes. Très vite, elle n’a plus d’adversaire à sa mesure au Mozambique sur le double tour de piste. Un an plus tard, elle est aux Jeux de Séoul. « Il y a tant à apprendre d’une athlète comme Maria », se pâmait, il y a deux jours, l’une de ses adversaires en série. « Je ne suis pas surprise qu’elle soit en ­finale, disait la Française ­Patricia Djaté, aujourd’hui entraîneuse nationale du ­demi-fond, qui fut son adver­saire sur la piste. Elle est encore performante, même si ce n’est plus tout à fait la Mutola des années 90. Elle a une telle expérience.

En grand championnat, il y a la course, mais aussi tout l’environnement à gérer. Elle est là depuis trois siècles, alors elle connaît. Comme adversaire, c’était la grande Maria Mutola. La seule fois où je l’ai doublée en course (elle m’a repassée ensuite), les autres concurrentes sont venues me féliciter à l’arrivée. C’était la patronne du 800. Sur un meeting, les courses étaient montées pour elles. C’était elle qui imposait le rythme des courses, des rythmes qu’on ne pouvait pas tenir. Pour moi, c’est la plus grande. Son aura faisait qu’elle en imposait, mais elle n’était pas là pour écraser les autres. Hors piste, elle n’essayait pas d’en mettre plein la vue. C’est quelqu’un d’assez timide, très gentille. Humainement très bien, qui mène beaucoup d’actions humanitaires dans son pays ». A Maputo, où une avenue porte son nom, elle a créé une fondation pour financer études et entraînement pour des gosses défavorisés. En 2002, Mutola annonçait sa retraite à 29 ans : « Je pars pour laisser la place aux jeunes talents ».

Golden League

L’année suivante, elle remporte la Golden League, le pactole d’un million de dollars versé aux athlètes invaincus sur leur épreuve sur les six meetings majeurs de la saison. En 2004, avant les Jeux, elle prévenait : « Je vais encore courir quelques courses, mais je pense qu’Athènes sera mon dernier grand rendez-vous. Ensuite je me retirerai. Après mon titre olympique à Sydney, et mes médailles d’or mondiales, il n’y a plus grand-chose pour moi dans l’athlétisme ». Trois ans plus tard, elle était toujours là. Au départ à Osaka. Mais pas à l’arrivée.


Voir en ligne : Liberation

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