Pluie de minima au meeting de Liévin

Assis sur la piste bleue de Liévin, Christophe Lemaitre, sa paire de pointes à la main, respire à longues lampées d’air sous les flashs des photographes. Il est épuisé, après avoir enchaîné deux 60 m et un 200 m. Deuxième sur la ligne droite en 6"57, un chrono à seulement deux centièmes de son record malgré un bon rhume, le médaillé de bronze des Mondiaux de Daegu est satisfait. Le tour de piste, lui, va être beaucoup plus compliqué. Avalé dès les premiers mètres par l’Allemand Ernst, encore loin derrière à soixante mètres de l’arrivée, Christophe Lemaitre ne pouvait pas accepter de repartir du Pas-de-Calais sans au moins une victoire en poche. Alors, sous les encouragements du public, il a allongé sa foulée pour l’emporter en 20"92, dix centièmes devant Adams, le représentant de Saint Kitts et Nevis. Le chrono est anecdotique, la manière beaucoup moins. Le sprinteur aixois n’accepte pas la défaite et c’est ce qui fait sa force. Nul doute que son entraîneur, Pierre Carraz, aura apprécié.

Sur 60 m, Christophe Lemaitre n’a pas été battu par la nouvelle perle du sprint tricolore, Jimmy Vicaut, mais par le Jamaïcain Lerone Clarck (6"50). Le jeune francilien, auteur d’un 60 m en 6"53 vendredi dernier à Düsseldorf, était pourtant en pleine forme à l’échauffement. En fait, presque trop. Plein d’envie, il s’est en effet élancé largement trop tôt, réalisant un faux-départ synonyme de disqualification. C’est l’expérience qui rentre.

D’autres Français ont connu une meilleure fortune. Ils sont ainsi plusieurs à avoir profité du rendez-vous nordiste pour réaliser pour la première fois de la saison les minima pour les championnats du monde d’Istanbul. Romain Mesnil a ainsi effacé une barre à 5,72 m à la perche, dans un concours où Renaud Lavillenie a dû se contenter d’un saut à 5,52 m. Dans la même épreuve mais chez les femmes, Vanessa Boslak a confirmé son retour en forme en égalant sa meilleure performance de la saison avec 4,52 m. Toujours du côté des concours, Benjamin Compaoré s’est envolé à 17,14 m mais ne sait pas encore s’il sera du voyage en Turquie. Dans un 1500 m de très haut niveau, Hind Dehiba-Chahyd a signé une jolie rentrée en 4’08"55 (6ème), synonyme de minima, juste devant Fanjanteino Felix (4’09"04). Chez les messieurs, Mehdi Baala, huitième en 3’39"42, a déjà indiqué qu’il ne prendrait pas part aux Mondiaux. Les derniers sésames pour la Turquie sont aussi à aller chercher du côté du demi-fond, avec Yoann Kowal (déjà auteur des minima fin janvier), septième en 7’44"26, et Florian Carvalho, neuvième en 7’48"62.

Au-delà de la belle densité chez les Français, les cinq meilleures performances mondiales réalisées ce mardi soir ont confirmé que le meeting de Liévin faisait bien partie du top 5 mondial des meetings hivernaux. En plus des 6"50 de Clarke sur 60 m, les spécialistes du 800 m Malicka Akkaoui (1’59"01) et Adam Kszczot (1’44"57), Abdelaati Iguider (3’34"10) sur 1500 m et Patricia Hall sur 300 m (35"69) ont inscrit leur nom au sommet des bilans mondiaux de la saison en salle. Et la Russe Yelena Isinbayeva n’est pas passée loin de les imiter, en franchissant une barre à 4,81 m avant d’échouer par trois fois à 4,91 m. C’est à Liévin, il y a sept ans, que la Russe avait battu le record du monde en salle du saut à la perche avec 4,89 m. Une performance de ce calibre, c’est finalement peut-être ce qui a manqué en ce soir de Saint Valentin sur « la piste aux étoiles ». Mais pas de quoi gâcher la fête, dans un stadium une nouvelle fois plein à craquer.

* Article publié par Florian Gaudin-Winer