JO 2012 : La mise en garde de Killy

Jean Claude KILLY, triple médaillé d’or aux JO d’hiver de 1968 à Grenoble, est membre du Comité international olympique (CIO). Pour « le Parisien »-« Aujourd’hui en France », il analyse les chances de Paris 2012.

– Que faites-vous pour soutenir la candidature de Paris à l’organisation des J0 2012 ?
Je soutiens totalement la candidature de Paris depuis l’endroit où je me trouve, c’est-à-dire en tant que membre du CIO qui a des portes d’entrée s’ouvrant beaucoup plus facilement que pour tout le monde. Je rencontre mes collègues par dizaines et par dizaines, discrètement, sans rien dire. C’est ce que je me suis imposé de faire parfaitement.

– Quelles sont, selon vous, les chances de Paris ?
Je continue de penser que Paris est très bien placé mais n’est pas la seule candidature, d’où l’obligation de ne pas se déconcentrer... C’est comme dans une course de ski, les vingt dernières portes sont aujourd’hui devant nous. C’est un conseil d’ami, une constatation.

– Quel classement feriez-vous entre les différentes candidatures ?
Je n’en fais pas, je préfère regarder en détail les cinq projets des villes candidates. Il y en a qui sont un peu moins magnifiques que d’autres mais je crois que les cinq propositions sont belles. Aujourd’hui, personne n’a encore perdu. J’ai encore vu Sebastian Coe (NDLR : patron de la candidature de Londres) ces deux derniers jours, et je peux vous dire qu’ils veulent les JO !

« Dites-moi un point où nous sommes meilleurs que les autres... »

– La reine d’Angleterre n’a tout de même pas aidé la candidature de Londres en affirmant que Paris lui semblait mieux placé...
Moi, je vois plutôt ça comme une phrase très intelligente. La désinformation primaire marche toujours. Et ceux qui prennent ça autrement n’ont rien compris. Pour moi, c’est une beauté anglaise, pure et magnifique. La reine d’Angleterre est capable de faire dormir la France tout entière avec une phrase comme celle-là. Nous vivons dans un monde compliqué. Assumer le rôle de leader dans lequel Paris s’est mis n’est pas facile. Paris est leader sur quoi ? Où ? Dites-moi un point où nous sommes meilleurs que les autres...

– Financièrement, Paris semble avoir un dossier très solide...
Tous les dossiers ont la garantie de l’Etat, c’est une obligation du CIO aujourd’hui. Moi, je suis un anxieux et, dans cette affaire-là, je me tiens sur mes gardes. Quand je rencontre des membres du CIO, je ne suis sûr de rien. Il y a 8 ou 10 membres du CIO sur 120 qui vous disent : « Ecoutez mon coco, je vote pour Paris, merci, vous n’avez plus besoin de me voir. » Les autres vous diront tous : « Vous avez un très beau dossier les gars... » C’est comme ça, c’est de la diplomatie. Tout ceci pour dire que c’est une compétition qui, comme une course de ski, se joue à quelques centièmes de secondes. Moi, le centième de seconde, je le connais vraiment très très bien et je sais quand il tombe du bon côté et quand il tombe du mauvais. Ce ne sont pas des propos pessimistes, ce sont des propos de quelqu’un de lucide.

« Le dossier est magnifique mais il n’y a pas qu’un seul dossier magnifique »

– Le lobbying a une très grande importance dans ce type de dossier. Est-ce que cela se passe bien pour la France dans ce domaine ?
Oui, je crois que cela se passe plutôt bien. Il faut être très objectif et très simple. Le dossier est magnifique mais il n’y a pas qu’un seul dossier magnifique. Maintenant, on est en face de l’urne, c’est tout. Et l’urne, ce sont 120 personnes qui, le 6 juillet, vont s’exprimer par un vote secret. Tout le reste, c’est du romantisme, du remplissage.