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L’Ultratrail du Mont-Blanc, une quête d’absolu


Publié le vendredi 26 août 2011 à 09h01min

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Tenir. Après quelques dizaines de kilomètres, beaucoup n’auront plus que ce mot à l’esprit parmi les 2300 coureurs qui s’élanceront ce soir de Chamonix sur le tracé de l’Ultratrail du Mont-Blanc (UTMB). Son cadre exceptionnel et la démesure de ses 166 km pour près de 10000 mètres de dénivelé positif en font l’un des plus grands rendez-vous des adeptes de l’ultrafond, la course à pied au-delà du marathon.




Les meilleurs en viendront à bout en un peu plus de 20 heures. Plus de quarante seront nécessaires pour le gros du peloton, qui passera deux nuits blanches sur les sentiers. Tous s’y préparent avec application et tous savent aussi que la souffrance finira fatalement par les rattraper, par s’installer durablement pour devenir le fil rouge de cette épopée au long cours. Alors pourquoi ? Masochisme ou narcissisme, addiction ou folie douce...Les réponses qui viennent d’emblée à l’esprit ne sont pas forcément sans fondement et la plupart touchent à la notion de "dépassement de soi", intimement liée à la course à pied. Pour Emmanuel Lamarle, rédacteur en chef d’Ultrafondus (www.ultrafondus.net), seul magazine exclusivement consacré à cette pratique, "l’ultramarathonien a une extraordinaire faculté à oublier".

"Oubli de la douleur, de la lassitude, des difficultés, pour ne retenir que le meilleur : le soleil qui se lève alors que tu es au sommet d’une montagne, le goût du saucisson après 75 bornes, l’amitié profonde qui t’a lié avec un inconnu pendant 50 bornes, la ligne d’arrivée que tu as franchie, le sourire de tes proches à ce moment". Nul doute qu’il s’agit d’une victoire sur soi mais, plutôt que de dépassement, beaucoup d’"ultratrailers" préfèrent parler de recherche des limites, voire de quête de soi, comme Kilian Jornet. Double vainqueur de l’épreuve, l’Espagnol évoque même une recherche quasi mystique, alors que victoires et reconnaissance suffiraient largement à expliquer sa passion pour la discipline.

Recherche d’absolu donc. "Oui, un truc ultime, une pomme de Newton qui nous tomberait sur la tête, le fruit défendu tombé de l’arbre de la connaissance, la carotte qui nous frappe en pleine poire et nous presse le citron jusqu’à ce qu’on ait des navets dans les mollets", confirme avec malice Philippe Billard, directeur de la publication d’Ultrafondus. "Pas après pas, minute après minute, la course nous vide de nos tensions, de nos amertumes, de nos vanités et nous redevenons nous-mêmes", dit-il. "Ce nous-mêmes peut s’avérer encore pire que la façade que nous proposons au quotidien mais, au moins, c’est nous, sans fard, à l’état brut. C’est un vrai nous-mêmes qui passe la ligne d’arrivée d’un 100 km, qui termine un 24 heures épuisé, ou un ultratrail crotté". Pour d’autres, l’ultramarathonien tiendrait du toxicomane, accroc aux endorphines que l’organisme produit pour supporter les douleurs musculaires. Cette "morphine biologique" serait pour beaucoup dans la quasi-extase que certains ressentent dans l’effort ou au passage de la ligne d’arrivée.

L’idée séduit mais elle a aussi de nombreux détracteurs

Au "shoot" d’endorphine et à la quête d’absolu s’ajoute sans aucun doute la satisfaction de l’objectif atteint, lorsque l’arrivée se dessine. Le coureur d’ultras "est tellement dans la réalisation de son objectif final ou de gros objectifs intermédiaires qu’il doit éprouver une intense satisfaction à voir qu’il peut maîtriser une douleur importante", poursuit Philippe Billard. Le besoin d’aventure, de rupture avec un quotidien souvent baigné de confort et encadré par un principe de précaution omniprésent, tient également une place prépondérante. Tout comme l’admiration que suscitent de tels efforts. "A mon sens, on court derrière des choses fondamentales, comme la connaissance de soi, l’estime, la dignité... et tout ça a un prix que chacun fixe comme il l’entend. Certains se satisfont d’un rien, d’autres ont besoin de 163 km et 9000 m D+", résume un coureur sur le site d’Ultrafondus. "En ce qui me concerne, ce que je découvre au fil des kilomètres m’enchante et ça vaut largement la souffrance que ça engendre. Je n’ai pas si souvent l’occasion d’être content de moi".

Reste que l’estime et l’admiration ne sont pas toujours au rendez-vous. Au-delà de l’incompréhension, les ultratrailers font parfois face à une véritable hostilité. Les organisateurs de l’Ultrasieste (www.ultrasieste.com), à l’origine de conférences et de débats qui ont lieu dans la vallée de Chamonix à l’occasion de l’UTMB, se posent ainsi en détracteurs des valeurs véhiculées par l’épreuve. Face à la quête de l’exploit, ils proposent "d’arrêter de courir comme préalable à l’idéal commun d’une planète vivable pour tous sans considération des capacités de chacun à dominer les autres par des moyens physiques, financiers ou politiques".

Pendant la course, l’association invite chacun à se poster le long du parcours sur des hamacs et des chaises longues "pour créer un espace de réflexion et de prise de conscience". Au fil des éditions (celle de 2011 est la neuvième), d’autres courses sont venues enrichir le programme de l’UTMB, que les organisateurs qualifient de "sommet mondial de la course nature". Au total, près de 6000 coureurs se lanceront à la recherche de leurs limites. Sans doute certains se reconnaîtront-ils dans la définition qu’avance avec humour Philippe Billard dans l’un de ses éditoriaux : "Ne serait-ce pas cela finalement un coureur d’ultra. Un con qui avance, content de son état (...) heureux comme un imbécile qui découvre une biche au détour d’un sentier, béat comme un bigot qui croit voir l’Immaculée Conception".


Voir en ligne : L’express

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