Les vrais champions sont ceux qui durent ...

En athlètisme, on peut détenir un record du monde, avoir été multiples champions du monde (et olympique) et rester performant au plus haut niveau à un âge où de nombreux condisciples serait à la retraite. Jan Zelezny, seul lanceur de javelot à avoir gagné 4 médailles dont 3 en or (1992, 1996, 2000, complété par l’argent en 1988), va pouvoir profiter d’une retraite mérité à 40 ans avec une médaille de bronze comme cadeau d’adieu décroché à Göteborg. Moi, ça me fait plaisir. Car Zelezny a prouvé qu’on peut surclasser sa discipline sans mettre en péril sa santé. Et que tous les athlètes ne sont pas forcément condamnés à une mort prématurée comme celles de Florence Griffith Joyner, soupçonnée de dopage et décédée à 39 ans.

Ces championnats d’Europe ont également permis de retrouver Merlène Ottey, ex-légende du sprint Jamaïcain devenue Slovène. A 46 ans, pas de podium pour Merlene mais la joie d’avoir passé un tour en battant en série des sprinteuses qui aurait pu être ses filles...

Il n’y a pas que dans l’athlétisme que les carrières peuvent être longues. A 40 ans, Raymond Poulidor était encore capable de finir 3e du Tour de France 1976. Un autre ’éternel deuxième’, Joop Zoetemelk, dut attendre ses 34 ans pour gagner enfin le Tour de France 1980, et ses 39 ans pour devenir champion du monde ! Chez les dames, Jannie Longo court toujours à 48 ans et domine encore le plateau féminin français. Elle est moins compétitive au niveau international, surtout sur les courses longues, mais dut attendre d’avoir 37 ans pour devenir enfin championne olympique... En natation, sport où en général les vainqueurs ont moins de 25 ans, on se souvient de Franck Esposito, champion d’Europe du 200m papillon à 31 ans, et d’Alexander Popov, champion du monde à 32 ans. En tennis, le papy André Agassi fait de la résistance : il va disputer à 36 ans son dernier tournoi du grand chelem, l’US Open. Annoncé fini l’an dernier suite à plusieurs blessures et éliminations prématurées, celui qui est bizarrement surnommé ’Le kid de Las Vegas’ (il a disputé ses premiers tournois pros à l’âge de 16 ans...) avait réussi dans ’son’ tournoi à sortir deux espoirs du tennis US (Ginepri et Blake) en 5 sets acharnés avant de tomber en finale contre le numéro un mondial incontesté Roger Federer, de 11 ans son cadet. Et que dire des 17 ans qui le sépare de son tombeur à Wimbledon, le numéro 2 mondial Rafael Nadal...

Dans les sports collectifs, la longétivité est plus rare dans les grandes sélections à l’exception du basket, sport physique s’il en est, où Michaël Jordan était encore capable d’être MVP (meilleur joueur du match) à 40 ans en inscrivant... 43 points lors d’un match de la mythique NBA. Les joueurs d’expérience sont parfois utiles mais soumis à la concurrence de joueurs plus jeunes. Ainsi a-t-on reproché à Lothar Matthaüs d’avoir, à 38 ans, disputé la compétition de trop lors de l’Euro 2000 où l’Allemagne fut éliminée en poule... Pourtant, celui qui a tout gagné en sélection (Euro 1996 et coupe du monde 1990, après deux finales en 1982 et 1986), fut à deux minutes de gagner sa première Ligue des Champions l’année précédente avec son équipe du Bayern Munich (s’inclinant dans les arrêts de jeu seulement face à Manchester United). Deux records d’âge en coupe du monde : l’avant-centre camerounais Roger Milla est le plus vieux buteur en phase finale de coupe du monde (à 42 ans, en 1994), et que Dino Zoff est devenu champion du monde avec l’Italie en 1982 à l’âge de 40 ans (14 ans après avoir gagné le championnat d’Europe des Nations 1968, ce qui fait de lui le seul footballeur transalpin à avoir tout gagné en sélection...). Mais il s’agit de deux cas particulier : Roger Milla était en semi-retraite, ne jouant quasiment plus que les matchs en sélection nationale, et Dino Zoff était gardien de but, un poste où l’âge est moins handicapant (à la dernière coupe du monde, Lehmann et Barthez avait tous les deux 35 ans, comme leurs remplaçants Kahn et Coupet...).

Il convient de dire que la longétivité d’un athlète n’est pas forcément signe d’une carrière "à l’eau claire". Heike Dreschler a ainsi reconnue avoir subi le programme de dopage Est-Allemand quand elle concourait sous la bannière de la RDA (et devint championne du monde du saut en longueur en 1983). Ce qui ne l’a pas empêchée ni d’avoir la chance d’être mère de famille, ni de gagner deux titres olympiques sous la bannière de l’Allemagne réunifiée en 1992 et en 2000 (à 37 ans), des joies que n’ont pas eu la chance de connaître la plupart de ses anciennes compatriotes... La longétivité d’un champion n’est donc pas forcément liée à l’absence de dopage. Plus à un certain respect de son organisme, une volonté de le ménager à tout prix, doublé à une bonne santé physique et certaines prédispositions. Les graves blessures sont rares dans la carrière des sportifs quadragénaires. A l’inverse de footballeurs brillants comme Just Fontaine, José Touré, Marco Van Basten qui, trahis par des chevilles fragiles, ont dû rapidement mettre les crampons aux vestiaires.

En tout cas, dans un domaine où l’argent, l’envie d’une gloire facile, monte facilement à la tête des plus jeunes, il reste des exemples de sportifs discrets, peu extravagants, mais qui prouvent par des performances régulières qu’il ne s’agit pas d’épiphénomènes... Espérons que les jeunes sportifs sauront les prendre en exemple. Gagner est une belle chose, durer en est une encore plus belle.