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Profession : Entraîneur au Québec

Publié le jeudi 10 novembre 2005 à 18h07min

À l’occasion de la Semaine québécoise des entraîneurs, qui se poursuit jusqu’au 13 novembre, La Presse s’est intéressée à la place qu’occupent dans notre société ces artisans de l’ombre, qui façonnent la performance des athlètes. S’ils ne sont plus les laissés-pour-compte du sport, ils ont encore du chemin à faire avant d’obtenir toute la reconnaissance sociale et financière qu’ils méritent.

Daniel St-Hilaire me tend sa carte d’affaires. Puis se ravise et raye le numéro de son téléphone cellulaire, avant d’esquisser un sourire contrit : « Il ne fonctionne pas pour l’instant, m’explique-t-il. Il va marcher quand j’aurai pu payer le compte. »

La vie d’entraîneur d’athlètes de haut niveau n’est pas toujours facile. St-Hilaire, ex-coach de Bruny Surin et coentraîneur de Nicolas Macrozonaris, en sait quelque chose. À 51 ans, il arpente les pistes d’athlétisme depuis plus de trois décennies. Il a accompagné des athlètes à cinq Jeux olympiques. Et pourtant, il vivote encore, jonglant avec trois ou quatre jobs pour gagner sa vie. Il est entraîneur au centre national de Montréal d’Athlétisme Canada, est responsable des sauteurs québécois et canadiens et supervise les athlètes d’élite du club Saint-Laurent Sélect, dans le nord de la ville. Mais ça ne suffit pas pour régler toutes ses factures à temps.

« Être coach, au Québec, c’est être un chef d’orchestre », dit St-Hilaire, assis dans le bureau sans fenêtre qu’il partage avec plusieurs autres entraîneurs au sous-sol du centre Claude-Robillard. « On est comme Kent Nagano. Sauf que l’entraîneur doit en plus sortir sa contrebasse de temps en temps. Et la musique n’est pas toujours bien accordée. »

L’incertitude financière demeure une réalité pour nombre d’entraîneurs au Québec. Personne ne s’en met plein les poches. Selon une étude récente, le revenu annuel moyen des coachs d’athlètes de haut niveau dépasse à peine 26 000$, une somme nettement inférieure au salaire moyen des travailleurs québécois (34 500$). « Le salaire des entraîneurs est déplorable », estime Suzanne Laberge, professeure au département de kinésiologie de l’Université de Montréal et auteure de l’étude, dont les conclusions seront présentées lors d’un congrès sur le leadership sportif, cette semaine, à Québec. « On n’attire pas les mouches avec du fiel, mais avec du miel. » De nettes améliorations ont pourtant été apportées au soutien offert aux entraîneurs depuis quelques années. Le Centre national multisport de Montréal, établi à Claude-Robillard à la fin des années 90, offre aux athlètes les services de psychologues, nutritionnistes, massothéra-peutes et autres spécialistes de la musculation, qui épaulent les entraîneurs. Mais c’est le programme Équipe Québec, lancé par le gouvernement vers la fin du second mandat du Parti québécois, qui leur donne le plus sérieux coup de pouce. Les entraîneurs des athlètes d’excellence (grosso modo, les athlètes brevetés par Sport Canada) reçoivent automatiquement une subvention annuelle de 20000$.

Pour un entraîneur d’athlète d’excellence qui se consacre à temps plein à son emploi, la rémunération moyenne est de 18,80$ l’heure.

« Sans Équipe Québec, ça ferait longtemps que je serais reparti à l’étranger, affirme Daniel St-Hilaire, qui a dirigé l’équipe d’athlétisme de Malaisie de 1995 à 1998. Je ne serais pas capable de joindre les deux bouts. »

Un peu plus d’une centaine d’entraîneurs par année reçoivent l’aide financière d’Équipe Québec. Cette assistance s’ajoute aux 2,8 millions déjà versés par Québec aux fédérations sportives afin de favoriser l’embauche d’entraîneurs. Au total, le gouvernement consacre 5,3 millions aux entraîneurs. C’est probablement plus que dans l’ensemble des autres provinces, laisse-t-on entendre au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

Pour le président de l’Association canadienne des entraîneur, John Bales, il ne fait pas de doute que le Québec est un modèle pour le reste du pays. « Le Québec est en avance sur le reste du Canada. C’est la province qui soutient le plus les sports olympiques, que ce soit par le biais des programmes sports-études ou de l’appui aux entraîneurs. »

Une sacrée différence

Mais l’argent d’Équipe Québec ne profite qu’à une faible proportion des entraîneurs de la province. Et même ceux qui en bénéficient risquent à tout moment de perdre cette manne inespérée.

Pascal Dufresne, entraîneur de natation au club Mégophias de Trois-Rivières, ne le sait que trop bien. Il supervise une nageuse de calibre international, Jennifer Carroll. Malheureusement, Carroll n’a pas atteint le standard requis au 100 m dos cette année. En octobre, elle a appris qu’elle devrait se passer du brevet fédéral, qui lui procurait 1500 $ par mois. Par ricochet, elle perd l’allocation de 6000 $ d’Équipe Québec. Et Dufresne doit dire adieu aux 20 000 $ qui bonifiaient sa rémunération depuis trois ans.

Dufresne vient de signer un contrat de trois ans avec le club Mégophias. Il ne se retrouve pas à la rue. La natation est un des sports où les clubs attirent un nombre de membres (et donc de cotisations) suffisant pour assurer aux entraîneurs une rémunération convenable.

La perte de 20 000 $ fait quand même une sacrée différence. « Dans mon cas, 20 000 $, ça m’assurait un fonds de pension et de meilleures conditions de travail, explique-t-il. On n’est pas comme des enseignants. On n’a pas d’assurance salaire, d’assurance dentaire, de journées pédagogiques. Et on travaille souvent sept jours sur sept. Quand on regarde ce qu’on gagne à l’heure, ça ne fait pas une grosse somme. »

En fait, pour un entraîneur d’athlète d’excellence qui se consacre à temps plein à son emploi, la rémunération moyenne est de 18,80 $ l’heure. « Ce n’est pas le Pérou. Par comparaison aux gens qui ont une formation universitaire, c’est inacceptable », juge Suzanne Laberge, de l’Université de Montréal.

Dufresne, 33 ans, est un passionné. Il n’a pas l’intention pour l’instant d’abandonner un métier qu’il adore. Mais il lui arrive parfois de se demander combien de temps il va continuer. « La raison peut finir par l’emporter sur la passion, dit-il. Je connais de très bons coachs qui ont lâché parce qu’ils voyaient qu’avec leur diplôme universitaire, ils pouvaient faire 75 000 $ facilement ailleurs- et avoir leurs fins de semaine. »

Daniel St-Hilaire, lui, continue d’entraîner ses sprinters et ses sauteurs. Et il peut pousser un soupir de soulagement. Des cinq protégés dont il avait soumis la candidature à Athlétisme Canada pour les brevets 2006, un seul, le sprinter Hank Palmer, 20 ans, a reçu l’aval de la fédération canadienne. (Nicolas Macrozonaris fait partie de ceux qui ne l’ont pas obtenu).

Sans Palmer, St-Hilaire aurait dû dire adieu à sa bourse d’Équipe Québec. Et le Québec et le Canada auraient possiblement perdu St-Hilaire. « On est à la merci de la performance de nos athlètes, dit-il. Pourtant, un coach ne perd pas son expérience ou son savoir du jour au lendemain si un athlète se blesse ou connaît une saison plus ordinaire. »

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