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2012, Paris perdu : Coubertin assassiné pour la 3 ème fois


Publié le dimanche 10 juillet 2005 à 15h58min

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En choisissant Londres, le CIO a humilié Paris. Malgré un dossier fantastique, un consensus politique unique et l’engouement du pays tout entier ! La maison olympique, déjà fragilisée par des scandales à répétition, est décrédibilisée à jamais.




Malaise ou vertige ? Electrochoc ou camouflet ? Naufrage ou tremblement de terre ? Difficile d’apprécier l’onde de choc qui a parcouru mercredi à Singapour la délégation française, forte de plus de deux cents éléments, à l’annonce de l’échec de la candidature de Paris pour les jeux de 2012.
Dignité et fair-play. C’est ce que retiendra la petite histoire, vécue en direct dans le monde entier. Larmes versées ou contenues, déclarations où la sobriété masquait le dépit, la France, comme avant le verdict final, a affiché aux yeux du monde entier sa logique de candidature, exempte de toute arrogance et de toute agressivité. La médaille d’or du plus beau perdant, sans doute, de l’histoire de l’olympisme. Mais cette onde de choc, perçue à la même seconde en France comme un tsunami sportif et économique, n’a pas suscité dans le public la même admirable retenue affichée par les élus, les chefs d’entreprise, les athlètes ou les artistes, tous embarqués dans une délégation qui, jusqu’au bout, aura refusé de croire que cette grand-messe était autre chose (et le chauvinisme n’a rien à voir dans l’affaire) qu’une grande farce.
Non, de Lille à Nice, comme de Brest à Strasbourg, on a plutôt parlé de « magouilles », de « corruption » et de « manipulation ». Personne ne veut plus ignorer que le comité international olympique (CIO), passé des mains de l’omnipotent Juan Antonio Samaranch à celles du belge Jacques Rogge, malgré toutes les promesses que contenait cette passation de pouvoirs, a, une fois pour toutes, fait voler en éclats le coubertinisme. « L’important est de participer » est à remplacer par un « Désormais, ce sera comme d’habitude », où lobbying et mercantilisme occupent les stades, les bassins de natation et autres aires de jeux.

En succédant à l’Espagnol Samaranch, Rogge s’était engagé à moderniser le CIO, à remettre de l’ordre dans la maison olympique, et sans chasser les marchands du temple, à assainir un milieu en proie à la corruption. L’institution olympique devait opérer en rupture avec les précédentes désignations marquées du simple sceau (désir, vouloir et pouvoir) du président d’honneur à vie de la Caixa (principale banque de Catalogne), devenu président d’honneur à vie... du CIO. Car la facture à présenter au « divin marquis » Samaranch est salée. En 1992, c’est le triomphe : Barcelone, sa ville, est élue. Pour 1996, date du centenaire de la rénovation des jeux par Pierre de Coubertin, Athènes et la Grèce entière attendent le sacre. Ce sera Atlanta. Les bulles de Coca ont déjoué les prophéties d’une pythie de Delphes trop drapée dans sa dignité. En 2000, l’alternance géographique (nulle part écrite dans les textes du CIO, mais pourtant incontournable) fait pencher la balance vers Sydney. Toujours avec l’appui de Samaranch. Et quand Athènes obtient les jeux de 2004, nul n’est dupe qu’il s’agit là d’une compensation de l’échec de 1996. Erreur de casting : les grecs demeurent, cette fois, peu enthousiastes. Et Athènes risque de rester comme le plus bel échec olympique depuis un demi-siècle, un fiasco économique, touristique et urbanistique. Sans oublier un terrible verdict : les athéniens mettront trente ans à payer leurs jeux !

Juan Antonio Samaranch, statue du Commandeur

Avec 2008, enfin, Samaranch exauce son dernier voeu (qui est aussi celui des sponsors de la maison CIO (Coca-Cola, Kodak, McDonald’s, Visa, Xerox, etc...)) en imposant Pékin. La chine, il est vrai, offre un terrain de jeu fantastique au monde des affaires. Les droits de l’homme, l’écologie (deux critères pourtant fondamentaux dans la charte de désignation) ? « Nada ! » Oubliés.
Côté jeux d’hiver, le bilan est tout aussi éloquent. Si le scandale de Salt Lake City (plusieurs membres du CIO convaincus de corruption) avait entretenu des espoirs de changement radical dans l’éthique des membres de la vénérable institution, ils ont été vite balayés. La désignation de Turin pour 2006 reflète la puissance de l’axe Samaranch-Nebiolo (le président italien de la fédération internationale d’athlétisme, décédé en 1999). Qui se traduit par un « produit » extravagant, au financement boiteux, aux instances dirigeantes bancales et aux normes (regroupement des sites) bafouées. Ne parlons même pas de Vancouver 2010, complaisance accordée au Canada, pays dont l’engouement et la ferveur pour les spécialités nordiques reste à démontrer.
Les membres du CIO qui ont rejeté la candidature de Paris n’ont pas à s’expliquer. Non seulement c’est leur choix, mais ils n’ont de comptes à rendre à personne. Encore faut-il préciser que plus de quatre-vingts des votants ont été élus, optés ou cooptés par Samaranch. Et ajouter que, ce dernier, même en passant la main à Jacques Rogge, s’est gardé une place au chaud, celle de président d’honneur. Si encore la « statue du Commandeur » se tenait en réserve. Mais non ! Samaranch, le Catalan, a volé au secours de Madrid ! Et détenait une « cassette » de voix pour le deuxième ou le troisième tour de l’élection qu’il a eu, tout loisir d’orienter.

Paris a tout perdu, fors l’honneur ! Dans une campagne finale crispée, agressive, excessive, le magnifique consensus instauré depuis deux ans a tenu. Et tiendra : nombre d’engagements seront respectés (vélodrome, piscine, aménagement des Batignolles, transports, etc...)
Reste maintenant à décrypter cette sanction, qui, au passage, surprend une large part du monde. De l’aveu des spécialistes du monde sportif comme de celui de la commission d’évaluation, la candidature de Paris apparaissait comme la plus belle. Sur le papier. Dans l’air. Dans le coeur des français. Le dossier le plus accompli. Perfection économique, structurelle, sportive, financière, écologique, organisationnelle. Appuyée sur un consensus politique et populaire exemplaire. Imparable. Imbattable.
Alors ? Alors, le CIO ! Cette infernale machine, usine à gaz des ambitions, des lobbyings financiers et politiques, des accords secrets sur fond de magouille. Un terrain miné depuis des décennies. Un réseau proche des systèmes mafieux que Jacques Rogge n’a, finalement, pas réussi à neutraliser, comme le montrent les aveux d’Ivan Slavkov, président du comité olympique bulgare, reconnaissant que des votes pouvaient être achetés, à hauteur de 200000 € : « Certains membres du CIO sont des hommes d’affaires et sont intéressés. Oui, ils demandent des faveurs... »
Samaranch, encore et toujours. Parmi les quatre-vingts membres du CIO qu’il a ordonnés sous son règne, figure Juan Antonio Samaranch Junior ! Figure également en première ligne Hein Verbruggen, président de l’UCI (union cycliste internationale), qui n’a de cesse de contrecarrer l’intransigeance française en matière de lutte contre le dopage.
Ce CIO demeuré archaïque, qui avance comme figure de proue de son modernisme l’ancien champion du monde d’athlétisme (1500 mètres) Sebastian Coe se lâchant dans un aussi improbable qu’irrespectueux : « Je ne crains personne, surtout pas Jacques Chirac ».

Peut-être un peu naïve, la france découvre que les marchands du temple ont pris le pas, définitivement semble-t-il, sur les défenseurs de l’éthique. Chronos, records, hauteurs de barres, tours de pistes et longueurs de bassins ne sont plus que le prétexte à des messes plus païennes, plus payantes. Quand la présence d’un champion olympique au départ d’une course se chiffre à plus de 100000 dollars (et donc des ratios seconde/dollars impressionnants), comment imaginer que les enjeux ne priment pas sur les jeux ?
La commission d’évaluation, lors de sa tournée de plus de quatre mois dans les villes candidates, a... évalué. Pour finalement conclure sur un invraisemblable quintuple ex-aequo ! Dérisoire tentative d’accréditer une part de probité, d’intégrité en vue du vote final. Et d’anticiper toute surprise lors de ce vote. La commission d’évaluation n’est pas sans rappeler les abus observés dans le patinage artistique où un patineur peut s’étaler une, deux ou trois fois sur la glace sans que les juges ne trouvent matière à redire ou à sanctionner. Car ce patineur aura été jugé sur sa notoriété, sa place dans la hiérarchie et son potentiel. Absolument pas sur sa prestation réelle, effective, que spectateurs et téléspectateurs ont vue. Certains avanceront que la position de la france dans le monde était affaiblie par le résultat du référendum sur la constitution européenne (Tony Blair n’a pas tenté le test). Que les manifestations syndicales lors de la visite de la commission d’évaluation ont interféré (tous les syndicats s’étaient engagés à respecter une trêve olympique). Qu’il n’y avait que... 92% de la population française à soutenir la candidature (chiffre confirmé par le propre organisme du CIO). Et, pourquoi pas, que la France est la France...
Mais aucun de ces arguments n’est sérieusement recevable devant le sérieux et la crédibilité exemplaires de la candidature Paris 2012.
En rénovant les jeux olympiques, Pierre de Coubertin avait adjoint aux épreuves sportives de l’époque quelques disciplines culturelles comme le dessin, la sculpture et la poésie. Mais il y a longtemps que les membres du CIO, eux, ne sont plus des poètes...

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