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Courez futés, courez congelés


Publié le samedi 3 mai 2008 à 05h19min

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La science démontre qu’un corps d’athlète d’endurance refroidi artificiellement produit des résultats étonnants. Ainsi, le gilet top secret porté par Viktor Röthlin.




Après la combinaison siliconée des nageurs, conçue dans les laboratoires de la NASA, une autre avancée technologique marche sur Pékin : le gilet de refroidissement. Favori du marathon, Viktor Röthlin a étrenné le premier prototype, l’automne dernier, aux Mondiaux d’Osaka. Il a terminé troisième, imperméable à la chaleur, et écœuré une vaste cohorte africaine. A l’arrivée, sa température corporelle culminait à 37,5 degrés, contre une moyenne historique de 39,6, des marathoniens atteignent parfois 42 degrés, seuil de tolérance extrême. Le « système de refroidissement » innové par Viktor Röthlin induit probablement un effet placebo, mais il serait imprudent de lui intenter un procès en sorcellerie : selon une étude de l’Université de Dortmund, l’apport énergétique est régulièrement mesuré à 3 %. « Il s’agit d’une avancée énorme. Des sportifs ont consulté le Dr Fuentes pour moins que ça », jubile la chercheuse Sandra Ückert. Tous les manuels le disent : pour bien courir, il faut s’échauffer. Mais une autre réalité scientifique, non moins fondamentale et archaïque, soutient que pour courir futé, il faut courir congelé. « Cœur froid, muscles chauds », schématise Urs Boutellier, physiologiste du sport à l’EPFZ, cité par la SonntagsZeitung.

« La médecine sportive cherche depuis longtemps à refroidir le corps en action. C’est un principe élémentaire », rappelle le Dr Daniel Blanc. « Au moment de l’effort, nous importons de l’oxygène et rejetons du gaz carbonique. Cet échange, appelé respiration, engendre une hausse de la température corporelle. Pour l’amenuiser, nous faisons intervenir la convexion (mécanique des fluides résultant d’un changement de température). Nous pouvons boire de l’eau froide en grande quantité, mais nous risquons des crampes d’estomac. Nous pouvons aussi prendre un bain glacé, selon le remède que nous appliquons aux bébés fiévreux » . Daniel Blanc croit au système artificiel de refroidissement : de l’empirique, il acquerra une crédibilité scientifique, « comme souvent en médecine ». « Pour obtenir la convection dans un idéal de performance, nous devrions courir sous vaporisation permanente. Nous perdrions moins de chaleur et éprouverions une sensation de bien-être familière, la même qu’en sortant d’une piscine, avec l’effet des particules d’air sur la peau mouillée. A cet égard, le gilet de refroidissement est un concept prometteur. Il n’est rien d’autre que l’application à l’adulte du bain glacé des bébés ».

L’Université de Dortmund a expérimenté « la convection assistée » sur vingt athlètes. Tous devaient courir aussi vite que possible, jusqu’au bout de leurs forces, par une température ambiante de 30 degrés et un taux d’humidité de 50 %. L’étude a exploré trois configurations : courir après un bon échauffement, sans échauffement et, enfin, avec un gilet de refroidissement dès la vingtième minute d’effort. Résultats : dans le premier cas, le groupe a atteint le point de rupture après 27 minutes, dans le deuxième cas après 30 minutes et, en tempérant ses ardeurs, après 32,5 minutes ! Les expériences en chambre froide produisent des résultats identiques : l’athlète gagne quelque 10 % de résistance à l’effort. Bien renseignées, les grandes puissances de l’industrie sportive auraient passé commande, notamment la Chine (cinquante installations dans le pays selon la rumeur), Manchester United et Chelsea. « La chambre froide accroît la fermeté des muscles, expose Sandra Ückert. Une fois « décongelés », les pieds d’un footballeur ou les mains d’un handballeur tirent plus fort ». La Nati s’y est essayée à des fins roboratives : une veste réfrigérante a circulé dans le vestiaire à la mi-temps de Suisse - France, au dernier Mondial allemand, un jour de canicule étouffante, le gardien Pascal Zuberbühler aurait perdu 4,3 kilos sur l’ensemble de la rencontre.

Des experts estiment que la régulation thermique agit autant sur la performance que la quantité de globules rouges. « L’importance du budget chaleur dans la pratique du sport reste totalement sous-estimée », soutient Urs Boutellier. D’autres praticiens sont moins formels, à commencer par Beat Villiger, médecin de Swiss Olympic : « Je ne saurais dire si le gilet porté par Viktor Röthlin à Osaka l’a davantage encombré ou soulagé. Pour les épreuves d’endurance, je préconise plus simplement de boire beaucoup d’eau, à fréquence régulière ». Boire reste une alternative économique aux vestes réfrigérantes, vendues dans le commerce à partir de 300 francs, liquide non compris. Or, les solutions les plus résistantes à la chaleur, à base de gels, valent parfois le prix d’un Château Yquem. « Je n’ai encore jamais prescrit de gilet, reconnaît Daniel Blanc. Je pense que leur utilité est circonscrite aux épreuves de longue durée, voire à un certain type d’effort. Les participants aux 20 km de Lausanne, ce samedi, n’ont pas besoin de gilet. Les cyclistes non plus car, à 50 km/h, ils produisent de l’air en suffisance pour obtenir une convection. A moins de gravir des cols en pleine chaleur... »

Les défauts de la cuirasse : son poids et, fatalement, la manipulation périlleuse que constitue l’introduction d’une eau à - 20 degrés, derrière la nuque, en plein marathon, en ayant perdu de la lucidité en route. A Osaka, après avoir changé son liquide de refroidissement lors d’un « arrêt au stand », Viktor Röthlin a reçu un coup accidentel au visage. De l’eau glacée a coulé sur son front et l’a aveuglé sur deux kilomètres. Son entourage a parlé de « gilet miracle ». Impossible de connaître la composition des fibres textiles, vecteur complexe et, dans l’espionnite générale, jalousement tu. Viktor Röthlin précise sobrement que les poches de son gilet, plaqué contre la colonne vertébrale, contenaient non plus du gel, mais « une sorte d’eau distillée » qui, à travers les fibres, agit directement sur la peau. Le procédé fait froid dans le dos, mais ne comporte aucun risque de « condensation » sur les muscles chauds, assure Daniel Blanc : « La peau et la graisse constituent d’excellents isolants thermiques ». Seule réserve : « Je voudrais connaître la sensation d’un coureur « réfrigéré » lors des cinq premiers kilomètres, quand le gaz carbonique n’a pas encore augmenté notablement la température corporelle ». Bien sûr, l’échauffement reste le prélude obligatoire à toute souffrance sollicitée. Il permet d’amener graduellement les muscles à ébullition, et d’apprêter le système cardio-vasculaire, respiratoire et ostéo-articulaire. Pour un jogging de moyenne intensité, on compte généralement cinq minutes de préparation. Une fois chaud, il est temps de mettre sa veste et de prendre le frais.


Voir en ligne : Le Temps.ch

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