Franck Chevallier : « Ce que j’ai retenu de l’année 2007 »

Les deux médailles symboliques d’Osaka

Vu la densité de niveau qui ne cesse d’augmenter d’année en année dans notre discipline sur le plan international, gagner une médaille mondiale est déjà un exploit extraordinaire. Je considère toutefois que les deux médailles d’argent remportées par Yohann Diniz et Romain Mesnil aux Mondiaux 2007 possèdent une valeur ajoutée, car elles illustrent deux parcours exceptionnels. Ces deux champions ont une humanité et ils sont porteurs d’un vrai message pour tous leurs camarades de l’équipe de France. Ce message est très clair : il affirme simplement que tout est possible, qu’il faut travailler pour réussir et qu’une carrière n’est jamais plate mais souvent marquée par des hauts et des bas. En creux, cela signifie aussi que la réussite n’est presque jamais linéaire, qu’il ne faut jamais baisser les bras. Romain et Yohann ont deux personnalités différentes mais leur parcours personnel présente des similitudes. Ce sont deux hommes accomplis, à qui ils restent encore de belles choses à accomplir.

Une victoire historique à la Coupe d’Europe

La victoire des garçons et la seconde place des filles à la Coupe d’Europe de Munich reste, à mes yeux, l’un des plus beaux souvenirs de cette saison 2007. Nous allions en Allemagne pour nous bagarrer et tenter de décrocher, du moins chez les hommes, une troisième place derrière les Russes et les Allemands. Nous visions aussi cette troisième place chez les filles. Et puis, la première journée s’est bien passée. La seconde fut exceptionnelle. Il y a des moments où tout sourit. Il y avait un vrai esprit « équipe de France » à la Coupe d’Europe. Les athlètes adorent cette compétition qui leur rappelle probablement leurs premières épreuves de jeunes. La notion de collectif et l’esprit du jeu sont importants à la Coupe d’Europe. J’ai l’impression que certains de nos athlètes retrouvaient leurs sourires d’enfant avec beaucoup de plaisir. Et quand ça a basculé à notre avantage, nous n’avons pas boudé notre plaisir ! Au classement officieux mixte, nous avons terminé premiers. Il faudrait vérifier, mais je crois que cela n’était jamais arrivé…

L’exemplarité de nos champions du hors stade

Je veux donner un coup de chapeau à nos athlètes spécialistes de 100 km, des 24 heures, de courses en montagne et d’ultra-marathon. Leurs disciplines sont marginales car peu médiatisées mais, chaque année comme ce fut le cas en 2007, ils rapportent à la France une belle poignée de médailles. Vu qu’il s’agit de disciplines extrêmes, il y a peu de pratiquants mais ceux qui évoluent au plus haut niveau le font avec professionnalisme, alors que le contexte médiatique et financier est souvent minimal. Ces gens-là s’investissent sans compter pour la beauté du geste. J’ai pu m’en rendre compte quand j’étais à leurs côtés à Cauterets, en stage, avant les championnats d’Europe de course en montagne. J’ai au moins autant de respect pour eux que pour les athlètes de l’équipe de France olympique. Ils sont au moins autant méritoires. Et ils font partie de la même famille, celle de l’athlétisme.

Un palmarès de révélations chez nos jeunes

Je ne citerai pas de noms, car c’est de la dynamique collective dont je veux parler ici. Celle qui a entraîné de belles performances, cet été, chez nos jeunes. Je ne citerai pas de noms, car je veux les protéger. Aujourd’hui, dès qu’un junior réalise une belle perf’, il est placé sous les feux de la rampe. Je voudrais dire à ces jeunes-là que le chemin qui sépare les équipes de France junior et senior est très long et semé d’embûches. Arriver à parcourir ce chemin n’est pas facile, mais ça vaut vraiment le coup d’essayer. Le challenge mérite d’être vécu. Dans le rêve du haut niveau, ce qui est important, c’est de prendre conscience de tout ce qui a été mis en œuvre pour réussir. Il faut vivre cette expérience-là de manière très lucide.

La blessure est bien le mal moderne de l’athlète de haut niveau

La blessure, c’est vraiment le grand mal de l’athlète de haut niveau. L’athlétisme est une discipline à forte sollicitation énergétique et musculaire. Pour gagner, il faut savoir flirter avec ses propres limites. Or, aujourd’hui, les vraies blessures entraînent des conséquences très lourdes. Il faut au moins une saison pour retrouver son niveau. Je pense à Ladji Doucouré, Christine Arron ou Eunice Barber. Le haut niveau nécessite un investissement total et une blessure peut tout mettre en péril…

Arrêter définitivement de banaliser le dopage

Les récentes affaires de dopage prouvent que la lutte antidopage fonctionne. Ceux qui sont dans une démarche individuelle et non organisée sont plus vulnérables. La lutte antidopage est peut-être moins efficace face aux tricheurs qui utilisent des produits sophistiqués au sein d’un système organisé. A la FFA, nous avons prouvé que nous ne voulions plus des tricheurs. Dommage que certains athlètes n’entendent pas notre discours. Il est important pour la crédibilité des sportifs en général, et pas seulement des athlètes, que les gens n’aient plus de doutes sur l’authenticité des performances réalisées sur les terrains de sport. En banalisant le message du « tous dopés », qui est faux, on en arrive à décourager l’immense majorité des athlètes qui n’ont rien à se reprocher. Je trouve ça immoral.

Une pensée affectueuse pour Salim Sdiri

En cette fin d’année, j’ai aussi une pensée pour Salim Sdiri. Personne n’a oublié les images de son accident. Aujourd’hui, Dieu merci, il s’en est sorti et il a repris l’entraînement. Il partira d’ailleurs très prochainement en stage aux Etats-Unis. Il est sorti d’affaire et je crois qu’il voudra prouver, dès cet été, qu’il est un grand champion. Son exemple peut être mis en avant : il est la preuve vivante qu’on peut toujours rebondir et qu’il ne faut jamais baisser les bras.

Et un petit clin d’œil à ma famille…

Pour la fin, j’ai un petit message personnel. J’ai la chance de faire un métier passionnant grâce à ma femme, Nathalie, qui me permet de pouvoir être absent. Je pense aussi à mes deux enfants, Yoann et Ophélie, qui eux aussi ne me voient pas souvent. Je voulais ici les remercier, tout simplement.