Genève : Qui sont ces hurluberlus qui lancent un marathon

L’idée lui est venue en courant. Comme souvent. Courir, c’est laisser son esprit vagabonder.
Gregoire Pennone dispute l’étape urbaine du Tour du Canton. Sur le quai du Seujet, le bonheur de courir en ville lui fait hâter le pas. « Pourquoi ne pas relancer un marathon au cœur de la cité ? », se demande-t-il. L’idée a fait place à l’envie. Elle répond à une frustration. Depuis 1987 et une fin en queue de poisson, Genève n’a plus de marathon.
Dimanche prochain, Gregoire Pennone et ses amis auront réussi la gageure de donner vie à un marathon en dix-huit mois. Pour eux, tout a commencé en octobre 2003, autour d’une raclette. « On a jeté les bases du projet. On s’est lancé dans l’aventure par passion ». Ils sont fiscaliste, géomètre, employé de banque, spécialiste en communication. Tous bénévoles. Tout sauf des organisateurs de course à pied.

« Forcément, notre initiative a surpris, provoqué un certain scepticisme, des sarcasmes. Dans les milieux spécialisés, on s’est posé des questions. Qui sont ces hurluberlus qui montent un marathon ? ». Quand il ne bosse pas sur ses dossiers fiscaux, Gregoire Pennone court pour le plaisir. « Je n’étais pas particulièrement sportif. J’ai découvert le marathon par défi. Je m’y suis préparé durant huit mois pour aller au bout de moi-même ».
Lorsqu’il parle de marathon, le genevois en a la chair de poule. « Quand je franchis la ligne d’arrivée, je suis toujours ému. Passer sous la banderole, c’est jubilatoire. Cela concrétise tous les efforts fournis pour atteindre l’objectif que l’on s’est fixé ».
Sa mémoire transpire de joie. Elle le ramène à Berlin, le début de l’aventure. « Un esprit de communion, un formidable élan de solidarité portent le peloton, le soudent, le transportent. Qu’importe si l’on termine en 2h10 ou en plus de 6h, on fait tous partie de la même fête. Le lendemain, on se pavane avec sa médaille autour du cou ou on clopine en grimaçant ».

Esprit d’entreprise

C’est cette ferveur sportive que les organisateurs du nouveau marathon de Genève espèrent restituer. « Bien sûr, on s’est inspiré d’autres épreuves. Mais il serait illusoire de vouloir ressembler à New York ou à Paris », reconnaît Grégoire Pennone. Les novices ne sont pas candides ou arrivistes. Pas question, comme dans les années 80, de succomber à la folie des grandeurs. Populaire, leur marathon ne sert pas de campagne électorale comme celui initié par Claude Haegi sept ans avant de lui couper les vivres.
« Notre premier objectif, c’est de privilégier le confort des coureurs. On n’a pas de charges de personnel, ça nous permet de mieux les soigner », poursuit Grégoire Pennone. C’est pour eux qu’il court. En laissant ses baskets au repos. « Je ne m’entraîne plus depuis des semaines, je m’y remettrai lundi prochain. Cet automne, j’ai envie de refaire New York ». Dimanche, une semaine après avoir fêté ses 30 ans, c’est par procuration qu’il courra.

Ses « journées de dingue » commencent avec le biberon de 6h du matin. Et comme son petit Quentin, né le 12 mars, il a envie de le voir grandir, son marathon. « On l’a porté en nous, c’est notre fierté. Mais on ne sait pas comment ça va évoluer. Notre enthousiasme ne suffira peut-être plus, il nous faudra sans doute plus de temps, plus de disponibilité ».
En attendant, la fièvre monte. Dimanche, tout sera-t-il au point ? « On n’est pas à l’abri d’un pépin mais au moins, on aura essayé. Pourquoi avoir peur ? A Genève, on manque d’esprit d’entreprise, de conviction. On s’est lancé, on risque peut-être de se casser la gueule, et alors ? On fonce quand même ».