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Grosse quinte de toux sur Pékin 2008


Publié le mardi 25 septembre 2007 à 11h52min

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Un danger réel guette la santé des athlètes sélectionnés aux Jeux d’été dans la capitale chinoise : la pollution de l’air par résidus de carbone, qui peut causer des affections respiratoires très graves, allant jusqu’à la mort. De surcroît, les médicaments salvateurs sont prohibés, car inscrits sur la liste des dopants. Enquête.




Jamais le Comité international olympique (CIO) n’a été autant sur le gril, critiqué, attaqué de front pour le choix d’une ville hôte des Jeux. En l’occurrence Pékin, qui accueillera les joutes de la XXIX ème Olympiade estivale du 8 au 24 août 2008. Il y avait déjà la politique : la tenue des JO confortera le gouvernement chinois dans son attitude de non-respect des droits de l’homme, affirment les opposants. Il y avait déjà l’économie : le CIO et ses sponsors multinationaux ne songent qu’à s’octroyer de nouvelles parts de marché, la Chine en tête, d’après plusieurs insiders. En attendant de voir, le bénéfice du doute reste de mise. Mais voici maintenant l’insurrection médicale : la qualité de l’air pékinois est si désastreuse que la santé des athlètes (en particulier celles et ceux qui disputeront les épreuves de fond) pourrait se détériorer en raison des atteintes répétées à leurs voies respiratoires. Accusations formulées par des centaines de sportifs via leur entourage, relayées à la télévision par l’ancien champion français Stéphane Diagana lors des récents Mondiaux d’athlétisme à Osaka (Japon). Là, en revanche, tout est concret, vérifié, estampillé véridique.

Chauffage et eau chaude au charbon (consommation réduite en été), gaz d’échappement (un million de véhicules engorgent chaque jour les artères pékinoises), fumées industrielles abondantes, poussières émanant des multiples chantiers de construction, voilà le menu atmosphérique concocté pour les 10000 athlètes sélectionnés. En sachant tout de même que la plupart des fabriques installées au centre-ville, dont l’aciérie géante Shougang, devraient être délocalisées d’une vingtaine de kilomètres d’ici aux Jeux.
« De la poudre aux yeux ! » analyse Isabelle Bey, professeur à l’Institut des sciences et technologies de l’environnement de l’EPFL. « Il faudrait transporter ces usines à bien davantage que 20 km de la capitale. Faute de quoi, le vent aidant, la pollution qu’elles génèrent risque de revenir sur la cité. D’un autre côté, en les transplantant plus loin, on améliore l’air de Pékin, mais on provoque ailleurs des dégâts sur le climat global. Sans compter qu’au mois d’août l’apparition d’oxydes d’azote et de composés organiques volatiles, ajoutée à la chaleur ambiante, débouche sur une pollution à l’ozone. D’où un danger accru d’affections respiratoires chez l’homme ». Qui est l’ennemi ? Ces résidus de carbone en suspension, ou particules fines, issues pour l’essentiel de la combustion thermique. « L’inhalation du volume d’air par unité de temps étant plus importante chez l’athlète, le risque apparaît majeur », constate Jacques Diezi, professeur honoraire de pharmacologie et toxicologie à l’Université de Lausanne. Le risque de quoi ? De voir les minuscules particules se lover au sein des alvéoles bronchiques ou pulmonaires, puis passer dans le sang.

« Les substances ainsi inhalées provoqueront des réactions inflammatoires, surtout de type allergique », poursuit le Dr Diezi. « Les manifestations courantes consistent en des œdèmes faciaux (lèvres, paupières, etc...), mais aussi de la glotte, qui enfle et empêche le sujet de respirer. Il y a alors danger de mort, tout comme dans le cas d’un autre effet possible, le choc anaphylactique. Il s’agit d’une brusque chute de la tension artérielle suite à la réaction allergique. Sans unité d’urgence, c’est la fin. On n’oubliera pas non plus les dommages cutanés, telle l’urticaire, ni l’asthme bronchique qui deviendra chronique ». La médecine moderne offre évidemment des remèdes pour éviter pareilles maladies ou issues funestes. Les broncho-dilatateurs, à base de salbutamol (Ventolin), et les corticoïdes contre l’asthme, les antihistaminiques contre les allergies. Problèmes : les deux premiers, considérés comme agents dopants, figurent sur la liste noire des produits interdits, tandis que les troisièmes sont licites mais favorisent sinon l’endormissement, du moins la somnolence. Pas terrible pour un compétiteur... A Pékin, le CIO enverra donc les athlètes dans une atmosphère pourrie, sans possibilité de se soigner. Sauf s’ils arrivent tous munis d’une AUT (autorisation à usage thérapeutique), à l’instar de pas mal de cyclistes.

« Impensable ! » rétorque Martial Saugy, directeur du Laboratoire suisse d’analyse du dopage. « Il en va de la crédibilité de la lutte antidopage durant les Jeux. Cela dit, il est vrai que le CIO se trouve en plein embarras. Que se passera-t-il à Pékin si les indices de chaleur, d’humidité et de pollution virent au rouge ? J’étais aux Mondiaux d’Osaka en compagnie d’Arne Ljungqvist, le président de la commission médicale olympique. Il attend les résultats d’une étude en cours, commandée aux autorités chinoises sur la situation potentielle et les mesures drastiques à prendre. Au pire, si les conditions s’avèrent trop périlleuses pour la santé des athlètes, Mr Ljungqvist envisage de supprimer des épreuves d’endurance comme le marathon (ndlr : le règlement du CIO l’autorise) ». Le Dr Saugy affirme que les fédérations internationales elles-mêmes « montrent de la fébrilité » par rapport à la santé de leurs athlètes. Un dirigeant, qui ne souhaite aucune publicité pour l’instant, a évoqué, concernant le choix de la capitale chinoise par le plénum des olympiens, la « dominance scandaleuse des intérêts économiques sur le sport ».


Voir en ligne : Le Temps

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