Jean-François Lajeunesse, sorti de l’alcool via le marathon
Publié le lundi 27 décembre 2010 à 20h48min
Après vingt ans d’alcoolisme et de cigarettes, arrivé à 107 kilos, désocialisé, Jean-François Lajeunesse a retrouvé sa dignité en courant, au point de devenir marathonien, une thérapie qu’il souhaite désormais partager.
A 54 ans, et avec 40 kilos de moins qu’en 2001, Jean-François Lajeunesse a bouclé en mai 2010 son deuxième marathon en 3h22, à Nantes, un temps très honorable qui le plaçait en 60 ème position sur 286 dans sa catégorie. Il compte bien s’aligner de nouveau le 17 avril 2011 au départ de ces fameux "42,195 km". "Mon fils et ma fille ne m’ont jamais abandonné, ma femme ne les a pas montés contre moi", donne-t-il en guise d’explication à ce formidable rebond. Il ne s’explique pas vraiment comment, au fil des "apéritifs" entre amis et d’une vie de "bon vivant", il a autant dégringolé, lui qui, décorateur d’intérieur, était aussi conseiller municipal de Saint-Herblain (banlieue ouest de Nantes) dans les années 90.
"Je buvais énormément, j’étais un bon vivant de 100 kg, bien rouge", se souvient celui qui porte désormais une cinquantaine d’années svelte et sportive, sur un visage marqué néanmoins par la fatigue de la remontée.
Il montre une photo de lui, une quinzaine d’années plus tôt, attablé avec trois amis dans un bar : "lui est mort, lui le sera bientôt, et lui survit...". "Ce qui est dur, c’est de ne pas replonger : vous allez avec eux, si vous ne prenez plus qu’un café, vous ne partagez plus leurs rires, vous êtes exclu". "J’avais couru dans mon adolescence, puis j’ai arrêté, c’est quand j’ai réalisé que dans mon état, je ne pouvais même pas aller courir avec mon fils, alors que j’avais adoré ça à son âge, que j’ai eu le déclic", explique-t-il.
Mais si Jean-François Lajeunesse a le "déclic" d’arrêter de boire et de fumer et de recommencer à bouger ("j’ai commencé par remarcher", précise-t-il), il a dû, et doit encore, courir un interminable marathon pour sortir des méandres administratifs où sa déchéance l’a conduit. Avec des rechutes : "on rentre chez soi, il y a au courrier, un nouvel avis de sommes à payer ceci, ou cela, et on replonge, pour oublier". Pour cela, Mr Lajeunesse estime qu’il doit aussi beaucoup aux mains qui se sont tendues pour l’aider : deux années d’URSSAF non payées comme travailleur indépendant alors qu’il ne travaillait déjà plus, des impôts... "Quand j’ai repris conscience, c’était fini, je devais 100000 euros...". Des assistantes sociales puis le médiateur de la République vers lesquels il s’est tourné l’ont aidé à obtenir des remises de dettes, des étalements. "Je n’en suis plus qu’à 6000 euros...", explique-t-il. Ils lui ont aussi permis d’obtenir le RMI, la CMU...
A mesure que ses performances en course s’amélioraient, Jean-François Lajeunesse a refait surface : il a écrit un livre "Perles d’or sur champ de vie" (éditions Almathée), a lancé un site internet (http://sedefoulerpourrenaitre.fr), où il propose à ceux qui veulent se remettre à courir, dans tous les sens du terme, de leur servir de coach pour des tarifs très bas. "Si demain je prends quelqu’un en charge et que je parviens à le remettre en état, ce sera autant d’économisé pour la Sécurité Sociale", estime-t-il. "Merci à ceux qui n’ont jamais désespéré de mes lâchetés", écrit-il sur la page de garde de son livre.
Voir en ligne : AFP