Mélanie Skotnik : « J’ai cru qu’on voulait me séparer de Jimmy »

On les annonçait séparés, ils reviennent plus forts que jamais. La sauteuse en hauteur Mélanie Skotnik, recordwoman de France (1,97 m), et son entraîneur et compagnon dans la vie Jimmy Melfort sont revenus des Jeux Olympiques (où elle a été éliminée en séries) main dans la main. Mais le cœur lourd et l’âme en peine. Car pour eux, leur image a été salie à Pékin.

Mélanie, que s’est-il vraiment passé à Pékin ?

La seule vérité, c’est que notre couple a traversé une grande crise. Mais une crise de couple, comme tout le monde peut en connaître. En fait, je ne me sentais pas très bien dans le village, j’étais très mal entourée. Il y avait la pression des Jeux Olympiques, j’étais loin de Jimmy et je n’ai pas supporté. Mais c’était juste une crise. C’est arrivé là-bas, c’est comme ça.

Donc, vous ne vous êtes jamais séparés ?

Au début, j’y ai pensé. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai demandé à ce que ce ne soit pas lui qui me coache. Ça n’allait pas bien, je pensais qu’il était mieux qu’on ne travaille pas ensemble. Mais ça n’a pas duré longtemps, la preuve il est resté à Pékin jusqu’au bout. Tout a été très vite réglé. On a repris notre vie de couple et de sportifs ensemble.

Alors pourquoi tant de bruit autour de cette affaire ?

En fait, j’ai d’abord parlé de mes problèmes à la psychologue. Et très vite, ça a fait le tour du village. Plein de personnes se sont servies de tout ça pour raconter n’importe quoi. Et c’est allé très loin. On m’a prêté des aventures avec d’autres athlètes. J’ai longtemps pensé que la Direction Technique Nationale avait profité de cette situation pour expulser le plus rapidement possible Jimmy, sans lui laisser le temps de s’expliquer au sujet son intrusion au village olympique.

Pourquoi Jimmy est-il resté à Pékin alors ?

Les dirigeants ont tenu compte de mon choix de ne pas être coachée par lui. Et cela leur convenait parfaitement. Mais Jimmy avait refusé de repartir en France le jour de ma qualification et avait demandé au Directeur Technique National Franck Chevallier d’assister en spectateur à mon concours. C’est normal, il avait mené à bien toute ma préparation depuis quatre ans. Chevallier a accepté à condition que Jimmy prenne en charge son vol retour et qu’il reste près de lui pour lui donner des conseils lors de mon concours. Et ainsi discuter par téléphone avec Daniel Laigre (Cadre Technique de Sauts) au sujet de mes éventuelles erreurs techniques.

Votre entourage au village olympique n’était pas très sain ?

Pas du tout. Le village olympique, c’est un gros terrain de chasse. J’ai vu des choses horribles là-bas, des athlètes qui me faisaient des avances, des sportives qui voulaient me faire sortir et boire pour que je couche avec d’autres hommes. C’est allé vraiment loin. Je n’ai pas su faire la part des choses, envoyer balader les gens qui voulaient me faire du mal. Le monde de l’athlétisme est très dur en fait. Tout le monde a mis son grain de sel. Ils ont vu que je n’étais pas bien et ils ont tout fait pour m’enfoncer.

Pour quelles raisons ?

Sur le coup, j’étais convaincue qu’on voulait me séparer de Jimmy ! Comme il n’est pas entraîneur fédéral, mais qu’il est très compétent, je pensais qu’on voulait le faire sortir du système. C’est vrai que la Fédération me demande depuis longtemps de me rapprocher de Paris, de rejoindre l’INSEP. Mais moi, j’ai toujours refusé. Et quand je vois le niveau de la hauteur en France, je suis dans le vrai. Il n’y a personne qui sait entraîner à la hauteur. C’est avec Jimmy que j’ai progressé, que je suis arrivée là où j’en suis. Mais apparemment, je me suis trompée sur les positions de la fédé.

Donc, Jimmy Melfort est toujours votre entraîneur ?

Oui, je sors à l’instant (NDLR : mercredi à 18h) d’une réunion avec Franck Chevallier. Ça s’est très bien passé. Il est d’accord pour que je continue de travailler avec Jimmy. C’est la première fois qu’on arrive à s’entendre et il s’est engagé à me mettre tout ça par écrit. C’est une super nouvelle pour moi. De toutes manières, j’avais dit que je ne continuerais la hauteur qu’avec Jimmy, et personne d’autre.

Vous avez l’impression qu’on vous a gâché vos Jeux ?

Je me les suis gâchés un peu toute seule aussi. C’était ma première participation aux JO, tant pis il y en aura d’autres. Le pire, c’est qu’ils voulaient faire partir Jimmy le jour de ma compétition, à l’heure où je sautais. C’était horrible. C’est dommage, car j’étais vraiment en forme, je sentais que je pouvais faire quelque chose. Je m’en suis voulu. C’est pour cela qu’on me voit applaudir. Ce n’est pas contre Daniel Laigre (l’entraîneur qui a remplacé Melfort pendant le concours) que j’ai fait ça, mais contre moi-même.

Quels sentiments gardez-vous de Pékin ?

On a sali notre image. Quand on est rentré, ma famille ne voulait même plus voir Jimmy. Elle pensait que tout était de sa faute. C’est une histoire de fous.

Alors, où voyez-vous votre avenir maintenant ?

En Alsace, on ne veut pas partir d’ici, on se sent bien dans cette région. Jimmy, lui, arrête la compétition. Maintenant, on a un problème avec mon contrat LNA. Certains ont dit aux autres clubs du coin que je coûtais excessivement cher et que je percevais de mon club 26000 euros à l’année. C’est complètement faux et ça fait peur aux clubs, c’est normal. Mais avec la Ligue Pro, ça ne coûte rien. On en a discuté avec Jimmy. Il m’a dit : « Il faut que tu continues. L’objectif maintenant, c’est les 2 m. Tu seras la première française à le faire ». Il sait qu’on trouvera un club ici. On veut aussi écrire un livre pour raconter en détail toute mon histoire, une fois ma carrière terminée.

* Propos recueillis par Marc Calogero