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Oscar Pistorius, l’homme qui voulait courir avec les autres


Publié le dimanche 16 décembre 2007 à 05h19min

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Le Sud-Africain, amputé des deux jambes, veut participer aux JO de Pékin. La fédération internationale semble sceptique.




Il fait bip bip dans tous les aéroports, court le 400 mètres en 46’’34 et poursuit un rêve : participer en août 2008 aux Jeux olympiques de Pékin dans la catégorie des athlètes valides. Oscar Pistorius, né sans chevilles ni péronés le 22 novembre 1986 à Pretoria, a été amputé avant de fêter son premier anniversaire. Aujourd’hui, sa détermination et ses performances suscitent un débat de fond. Ses prothèses en fibre de carbone, fabriquées en Islande et devisées à 40000 francs la paire, lui confèrent-elles un avantage en dépit des apparences ? Un homme sans jambes peut-il raisonnablement et équitablement concourir avec des bipèdes ? Si oui, n’est-ce pas ouvrir la porte à certaines dérives, encourager dans le futur une course à l’armement technologique ?

Sa place est aux Jeux paralympiques

La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) devrait livrer son verdict d’ici à la fin de l’année, sur la base d’une étude menée par l’Institut de biomécanique de l’Université de Cologne et dont les conclusions étaient censées lui parvenir vendredi. « Nous n’avons pas encore reçu le rapport », coupe Pierre Weiss, secrétaire général de l’IAAF. « Nous ne sommes pas à quelques jours près, il s’agit d’un cas marginal qui ne nous préoccupe pas particulièrement. L’avantage, c’est qu’il permet aux médias de parler d’athlétisme au mois de décembre. C’est tout ».

C’est tout ? Pas vraiment. Si l’IAAF cherche à minimiser l’impact de l’affaire Oscar Pistorius, c’est sans doute parce qu’elle est gênée aux entournures. « D’un point de vue philosophique, cela nous dérange un peu, en effet », admet Pierre Weiss. « J’ai du respect et de la compassion pour tous les athlètes qui souffrent d’un handicap, mais c’est justement pour eux que les Jeux paralympiques se tiennent tous les quatre ans. Pour moi, la place d’Oscar Pistorius est là. Cela dit, ce que je pense à titre personnel n’a pas d’importance. Notre choix reposera sur nos écrits ».

Une batterie de tests

Or, le cinquième alinéa de l’article 144.2 du règlement proscrit « tout dispositif qui confère à son utilisateur un avantage sur tout athlète qui n’en bénéficie pas ». Tout dépendra donc des conclusions apportées par le professeur Gert-Peter Brüggemann et son équipe. La batterie de tests passés par le champion sud-africain, les 12 et 13 novembre à Cologne, porte sur l’amplitude de sa foulée, sa production d’énergie, la répartition de son effort et sa consommation d’oxygène.

Lors du meeting Golden League de Rome, le 13 juillet dernier, sa performance sur 400 mètres (en 46’’90) avait déjà été analysée sous toutes les coutures par l’IAAF. S’il est plutôt lent au démarrage et peine dans le premier virage, Oscar Pistorius bénéficierait à la longue d’une foulée plus ample que celle d’Asafa Powell, et aurait l’avantage de ne pas être sujet à la montée d’acide lactique qui peut vous empoisonner une fin de course. Après avoir souligné le danger de chute lié à son absence de sensibilité dans les membres inférieurs, plusieurs spécialistes se sont déclarés sceptiques quant à l’étonnante capacité du Sud-Africain à monter en puissance au fil des hectomètres. « Si vous avez un gars qui atteint sa vitesse maximale au bout de 150 mètres et qui la conserve jusqu’à la ligne d’arrivée, ça ne va pas. Même les meilleurs comme Jeremy Wariner ne sont pas capables de faire cela », résumait dans le quotidien The Independent Nick Davies, directeur de la communication à l’IAAF.

Jacky Delapierre, directeur du meeting Athletissima et vice-président de la fédération suisse, peine lui aussi à masquer ses réticences à l’évocation d’Oscar Pistorius. « Tout le monde est favorable à l’intégration de ces gens mais là, on se trouve dans une situation ambiguë. On fait tout pour que le corps des champions ne soit pas touché par le dopage. Alors, si on se met à travailler sur les matériaux ou la forme des prothèses... Ça ouvrirait une brèche qui paraît difficile à accepter... »

Ni fatalisme ni lamentation

S’il y a une chose qu’Oscar Pistorius n’a jamais acceptée, c’est de baisser les bras. « Un loser n’est pas celui qui termine le dernier d’une course. C’est celui qui reste assis, regarde et ne tente jamais rien ». Ce message, légué très tôt par une mère qui décèdera en 2002 des suites de la malaria, n’a jamais abandonné le jeune homme. La lamentation, le fatalisme ou la commisération n’ont jamais trouvé place dans son entourage. « Il est naturel que les gens aient pitié de moi », déclarait-il en juillet dans le Sunday Times. « Mais j’ai vite réalisé que je pouvais faire plein de choses mieux qu’une personne valide. Je peux comprendre l’effarement que cela provoque, mais je ne crois pas qu’il soit juste de me considérer comme un athlète handicapé. Et si vous me demandiez aujourd’hui si j’aimerais retrouver mes jambes, je devrais m’asseoir pour y réfléchir. C’est ainsi que je suis devenu la personne que je suis ». Un homme qui aimerait, simplement, courir avec les autres.


Voir en ligne : Le Temps.ch

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