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Renaud Longuèvre : « Les Jeux, un ratage historique ! »


Publié le samedi 11 octobre 2008 à 08h31min

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Une seule médaille et un climat interne détestable : Renaud Longuèvre qualifie d’« historique » la faiblesse du bilan de l’athlétisme français aux Jeux olympiques. Le coach breton de Ladji Doucouré, quatrième à Pékin, en fait une analyse sans concession pour la fédération.




Renaud Longuèvre, vu de l’extérieur, les Jeux de Pékin ont été un échec cuisant pour l’athlétisme français. Est-ce également le ressenti du milieu ?

Oui ! Pourtant, je ne suis pas un grand fan du classement des médailles et je considère qu’une somme de petits bilans individuels ne fait pas un bilan collectif. Ce qui me fait répondre oui, c’est qu’on a déplacé quatre relais, c’est-à-dire trente personnes en tout, et qu’on n’a aucun finaliste. Même à Sydney (en 2000), considéré comme le ratage absolu, les filles font quatrièmes du 4x100 m et récupèrent une médaille à posteriori avec le dopage de Marion Jones. Là, aucun dans les huit... Ça, c’est historique !

La claque a éclaboussé tout l’athlétisme...

Oui. On a le ressenti des autres sports, qui nous renvoient notre masse, le nombre de gens déplacés, donc le coût pour l’Etat français, et le résultat en retour.

Y a-t-il des facteurs d’explication globaux ?

On peut au moins dresser des constats. En relais, il y a toujours un fossé entre les qualifiés individuels, qui ne veulent pas faire toutes les séances de relais à fond parce que ça les handicaperait par ailleurs, et les autres qui disent : "Qu’est-ce que c’est que ces stars qui réclament des passe-droits ?". La prochaine personne qui s’occupera des relais devra, à mon avis, travailler sur deux points. 1. Monter un projet auquel tout le monde puisse adhérer. 2. Trouver un partenaire financier et contractualiser autour du relais. Ce n’est pas avec 1500 € par mois que tu vas t’assurer la participation des meilleurs, qui gagnent entre 250000 et 500000 € par an.

Les Jeux olympiques ont mis au jour une grande désunion entre les différents entraîneurs...

Tout cela était prévisible. Il ne faut pas que les gens qui dirigent l’athlétisme français et l’équipe de France jouent les ingénus. Pour répartir entre les différents groupes d’entraînement l’argent qui arrivait dans l’athlé, la DTN (*), qui va sauter, a mis en place un système de points complètement absurde, en fonction des résultats des athlètes. Résultat : les mecs se sont mis à se piquer des athlètes qui valaient des points. Les relations humaines se sont dégradées à vitesse grand V et, dans la dernière année, l’ambiance était telle à l’Insep que c’était évident que ça allait exploser.

Ces rivalités et ces antagonismes sont-ils évitables ?

J’ai passé beaucoup de temps à Pékin avec l’encadrement de la fédération de lutte et je peux vous dire que c’était l’union sacrée entre tous les entraîneurs. Chez nous, quand des mecs entrent sur la piste, certains entraîneurs prient pour qu’ils se cassent la figure parce qu’ils sont entraînés par un gars qu’ils ne peuvent pas piffrer.

A propos, la seule médaille française, celle de Mahiedine Mekhissi-Benabbad, n’a pas été fédératrice...

C’est la conséquence des traumatismes qu’on a vécus depuis 2003 dans le demi-fond. Chouki, Dehiba, Ghezielle, Ghezzar, Zoubaa, Lacasse, Coulaud... Ça, ça laisse énormément de traces. Pour les entraîneurs des athlètes qui ne connaissent pas les affres des contrôles positifs, la relation ne peut pas être normale avec les gens dont les athlètes sont un jour contrôlés positifs. Ce sont des agressions trop fortes.

Quelle est votre opinion sur les minima et les modes de sélection, accusés de tous les maux après chaque échec ?

J’ai l’intime conviction qu’il faut aller au maximum vers une individualisation. On a eu d’un côté six ou sept présélectionnés qui n’ont pas fait les minima de l’été, et à côté de ça Elodie Guégan qui gagne à Prague et à Moscou mais doit continuer la chasse aux minima malgré une élongation. Ce n’est pas satisfaisant. Il faudrait que le DTN puisse décider sans contraintes, en fonction de son ressenti. Je suis également partisan de tenir compte de l’attente le jour des Jeux. Ça fait des années que le demi-fond, aux JO, s’apparente à du cyclisme sur piste. Les courses avec lièvres ne préparent pas les athlètes pour les JO.

Qu’est-ce qui doit encore changer à l’avenir ?

Les gens qui encadrent l’équipe de France n’ont pas d’athlètes à entraîner et ne vont jamais dans les meetings. Il faut redéfinir les choses. Par exemple, identifier en début d’olympiade un coach par spécialité, qui devra établir un lien de confiance avec les autres entraîneurs et qui aura pour mission d’aller sur les grands meetings, d’échanger avec les coachs étrangers, de rapporter de l’info, etc...

Pour le reste, les fondamentaux sont-ils bons ?

A la fédération, il faut qu’on reparle de compétition et de performance. Aujourd’hui, ces mots sont devenus péjoratifs. On ne parle plus que de développement. Mais les cadres techniques ne sont pas des vendeurs de licences ! Confions ces missions à d’autres et revenons à nos bases. Ça part des championnats régionaux, qui doivent servir à détecter les meilleurs minimes, cadets et juniors, auxquels il faut proposer des stages. Il faut redonner du punch, redynamiser l’ensemble de la filière d’accès au haut niveau.

La natation française a connu un formidable envol ces dernières années. Y-a-t-il quelque chose à puiser chez elle ?

La natation, pour moi, ça reste une énigme. Je prendrais plutôt l’exemple du handball, qui a été énormément pratiqué dans les collèges quand on a construit des gymnases un peu partout dans les années 80, et qui a su en tirer profit. C’est la même chose avec l’athlé en Jamaïque. En primaire, ils font tous de l’initiation à l’athlétisme pendant cinq ans. Et, à onze ans les meilleurs entrent dans l’équipe du collège. Ils portent le costume de l’école et acquièrent un certain statut. Ils ne sont que trois millions mais on voit le résultat !

(*) La Direction technique nationale, qui détermine et conduit la politique sportive de la fédération, est dirigée par Franck Chevallier depuis mars 2005.

* Propos recueillis par Benoit Siohan


Voir en ligne : Le Télégramme

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