Salim Sdiri : « Ils attendent qu’il y ait un mort ? »
Publié le dimanche 15 juillet 2007 à 12h18min
Touché au dos par le javelot mal assuré de Tero Pitkämäki, Salim Sdiri a frôlé la catastrophe vendredi soir lors du meeting de Rome. Finalement hors de danger après avoir passé la nuit à l’hôpital, le sauteur en longueur a pu s’exprimer sur l’accident. En colère, le Français demande à la fédération internationale de renforcer la sécurité des athlètes. Avant que le pire ne se produise.
"Je n’arrive pas à respirer normalement alors je ne peux pas beaucoup parler. J’ai mal sur tout le côté droit jusqu’au bassin." Hier matin, depuis le lit de sa chambre d’hôtel, Salim Sdiri nous a confié sa douleur d’une voix atone. Encore sous le choc de l’accident, vendredi soir au Stade olympique de Rome. Le sauteur en longueur a été fauché par le javelot de Tero Pitkämäki, dont le lancer a dévissé d’une dizaine de mètres pour se ficher dans le muscle dorsal du Français, provoquant une plaie profonde de sept centimètres pour trois centimètres de large. "Sur le coup, j’ai eu la respiration bloquée. ça m’a fait super mal. J’ai compris quand je me suis retourné : j’ai vu le javelot planté dans mon dos. Je me suis allongé. J’ai surtout veillé à ne pas perdre conscience. Une fois à l’hôpital, quand les médecins m’ont dit que ni mon foie, ni mon poumon n’étaient touchés, j’étais content. Je me dis que ça aurait pu être plus grave..."
Ces images effroyables ont passé en boucle sur les écrans de télé, au point d’éclipser les performances du meeting. Sdiri, lui, ne les a pas vues. Mais il se souviendra longtemps de ce vendredi 13. Trois concours se déroulaient à peu près en même temps : le javelot et le triple saut, épreuves de la Golden League cette saison, et le saut en longueur, incontournable pour l’organisateur romain en raison de la vedette nationale Andrew Howe. Un programme dense, où l’aire de lancer n’est guère éloignée des sautoirs. "Ça fait chier de faire des compétitions à ce niveau et d’avoir une sécurité de merde", lâche Sdiri, rapatrié à Paris, par vol sanitaire, hier en fin de journée après une dernière radio de contrôle.
Indemnisation ?
"J’en veux à l’IAAF (la Fédération internationale) car il devrait y avoir des règles. Avec des engins lourds comme le poids, le marteau et le javelot, ils attendent quoi ? Qu’il y ait un mort ? demande-t-il. A Paris, aux Mondiaux 2003, un marteau avait déjà atterri sur la piste du 100 m. Même chose à Helsinki en 2005..." L’accident dont il a été victime fait écho à trois incidents similaires lors des dix-huit derniers mois. En janvier, par exemple, un javelot a transpercé l’épaule du décathlonien tchèque Roman Sebrle, alors qu’il traversait négligemment le terrain en diagonale : onze points de suture. "S’il m’avait touché de 10 cm plus à gauche, il aurait heurté le poumon", a raconté le champion olympique.
Accusée de laxisme, l’IAAF botte en touche. "L’incident est tragique et regrettable mais il résulte d’une erreur humaine, explique son représentant Chris Turner, joint hier au téléphone. Ce genre de choses arrive rarement. Pitkämäki a raté son lancer, cela fait partie des risques de la vie. Que voulez-vous qu’on y fasse ? Sécuriser davantage le périmètre ? Mais on ne peut pas vider les sautoirs et les pistes, sans parler du public ! Nous avons des officiels tout le long du terrain pour prévenir ce genre d’incidents. Nous ne pourrons jamais atteindre le risque zéro." Sdiri, lui, préconise de décaler les concours de lancer, pour qu’ils aient lieu avant ou après les autres compétitions, "quand il n’y a personne sur la piste ou sur les sautoirs". "Ou alors, il faut créer une autre aire de lancer", propose-t-il encore.
Même si, à chaud, l’IAAF n’a pas souhaité polémiquer, elle ne pourra certainement pas faire l’économie d’une réflexion sur le sujet, en concertation avec les organisateurs de meeting. L’agent de Sdiri, René Auguin, n’entend d’ailleurs pas en rester là, d’autant que la question de l’indemnisation du sauteur, qui devra rester au repos au moins six semaines, reste posée. Sa saison brutalement terminée, ses primes de participation envolées, il ne peut plus compter que sur son salaire de la Ligue Pro, soit environ 1.500 euros par mois.
Voir en ligne : Le JDD
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