La Corrida Bulloise attend 4000 coureurs
Publié le samedi 19 novembre 2005 à 12h05min
Il y aura Tolossa Chengere, vainqueur en 2004, et près de 4000 coureurs plus ou moins anonymes, cet après-midi, dans les rues de Bulle.
La 30e Corrida bulloise s’apprête à battre tous les records de participation : on comptait mardi soir 3573 inscrits. La FSG Bulle, club organisateur, attend encore 500 à 600 inscriptions sur place. Les 3600 inscrits de 2004 seront donc nettement battus.
Pour la première fois, la Corrida bulloise s’est associée à la firme Datasport. Ce qui veut dire que chacun courra avec une puce attachée à ses souliers.
Côté élite hommes, dont le départ est donné à 19 h 30 (8 km), on attend bien sûr l’Ethiopien Tolossa Chengere et son compatriote Tesfaye Eticha, vainqueur en 2002 et 2003, détenteur du record (23’11). « Quelques Suisses pourront se mêler à la lutte », promet Jean-François Cuennet, responsable de l’engagement des élites. Il pense au détenteur du record suisse du 10 000 m, Christian Belz. Il faudra aussi surveiller le redoutable Autrichien Günther Weidlinger, 12e du 3000 m steeple aux mondiaux de Helsinki. Les espoirs fribourgeois reposeront sur Jacques Krähenbühl et Rolf Rüfenacht.
Chez les dames, Zenebech Tola, devenue Maryam Yusuf Jamal, ne sera pas là pour défendre son titre. La place est libre pour la Canadienne Aster Bacha ou l’Ethiopienne Tsige Worku. Sabine Fischer, 9e à Sydney sur 1500 m, devrait être la meilleure Suissesse. Daniela Lehmann et Monique Zimmer emmèneront la délégation fribourgeoise.
Horaire : premier départ à 13 h 15 (écoliers E, 2000 et plus jeunes) ; M20-M40-M50 à 16 h 45 ; populaires hommes à 17 h 30 ; populaires femmes à 18 h 05 ; élite dames à 19 h 05 ; élite hommes à 19 h 30. Les inscriptions sont encore acceptées jusqu’à une heure avant le départ, sous les Halles, lieu de la remise des dossards.
Les trois vies de Jacques Krähenbühl
A quelques heures de fouler les pavés gruériens, le timide athlète fribourgeois a accepté de se raconter. Il parle de son enfance, de sa première carrière et de celle qu’il a encore devant lui.
Dimanche 25 avril 2004. Une silhouette se faufile incognito parmi le peloton du Tour du Vieux-Fribourg. Cette ombre fugace, c’est celle de Jacques Krähenbühl qui, à 40 ans, et après quatorze années « passées à ne rien faire », dira-t-il, s’apprête à commencer une nouvelle vie.
Car « Crayon bleu », surnom dont l’avait affublé Pierre-André Gobet dans les années huitante, a déjà bien vécu. Il a connu l’âge d’or de l’athlétisme fribourgeois, tenu tête à Pierre Délèze, joué des coudes avec Markus Ryffel avant de mettre un terme abrupt à sa carrière en 1990. Aujourd’hui, Krähenbühl (41 ans), qui détient toujours le record fribourgeois du 10 000 m, a retrouvé un excellent niveau et, surtout, le goût de l’ambition. A quelques heures de participer à la 30e édition de la Corrida bulloise, course qu’il a remportée en 1989, le timide « quadra » a accepté de se raconter.
Les débuts « Depuis tout gamin, je cultive un esprit de professionnel.J’habitais à Berne, tout près de la patinoire. Avec mon frère, on adorait le sport. Le matin, c’était hockey. L’après-midi aussi d’ailleurs. Ce qu’on voulait, c’était se surpasser. Un jour, en faisant une course à l’école, j’ai vu que j’avais un peu d’endurance. Alors, j’ai continué. Je n’étais pas un junior spécialement doué, mais j’y croyais. Le hic, c’est que je ne comprenais pas pourquoi j’étais meilleur sur les longues distances alors qu’on s’entraînait comme des fous sur piste. Alors, j’ai dû chercher la solution moi-même. Je me suis fait un programme individuel et j’ai trouvé ma propre dynamique. »
Les idoles « A l’époque, j’achetais la « Gazzetta dello Sport » et je découpais les articles sur Alberto Cova (réd : grand spécialiste du 10 000 m du début des années 80, champion olympique en 1984, du monde en 83 et d’Europe en 82). Parfois, je tombais sur certains de ses plans d’entraînement et j’essayais de les imiter, en les adaptant à ma sauce. J’avançais comme ça, en butinant à gauche à droite. Récemment, on m’a donné quelques infos sur un junior kényan dont s’occupe Paul Tergat (réd : sextuple champion du monde de cross). Il y a des choses intéressantes... »
Les belles années « Pierre-André Gobet, Jean-François Cuennet, Jean-Pierre Berset : c’étaient eux les vedettes. Chaque année, je me rappochais un peu plus d’eux et, un jour, je les ai rattrapés. C’était formidable. Et puis, Pierre Délèze n’était jamais bien loin. Il avait une belle foulée, Délèze. Il nous impressionnait. Mes plus grands souvenirs ? Sierre-Montana. Et puis le Grand Prix de Berne avec Markus Ryffel. Ryffel, je m’étais juré de le battre. A Berne, il m’avait lâché lors du dernier kilomètre, alors que je l’avais semé dans la forêt du Tierpark.Et puis, un jour, lors d’une course au Tessin, j’ai battu Ryffel. Ça m’a fait tout drôle. »
La retraite « A l’école, je dormais. Je n’avais suivi aucune formation et n’avais donc que la course à pied dans ma vie. Et la course, c’est vraiment difficile. Il faut se maintenir, se maintenir et se maintenir encore. Parce que je n’étais pas spécialement doué, j’ai toujours évolué au maximum de mes possibilités. D’ailleurs, cela m’a pris beaucoup d’années pour arriver à ce temps de 28’44 sur 10 000 m. Bref, à force de vouloir toujours aller plus vite, ma vie n’avait plus aucun sens. » J’en ai vraiment pris conscience lors d’un camp d’entraînement en Italie, avec Gelindo Bordin (réd : champion olympique du marathon en 1988). Courir deux heures aux côtés d’un champion, c’était sympa. Mais Bordin, c’était une autre cylindrée, une autre foulée. Pour essayer de me mettre à son niveau, j’ai essayé d’améliorer mon style et d’équilibrer mes hanches - j’ai une jambe plus courte que l’autre - au moyen d’un aimant qu’on m’avait placé à côté de l’oeil. Mais cela m’a fait plus de mal que de bien et je n’ai pas réussi à donner le tour. Alors j’ai coupé. »
Le boulot Certains arrivent à concilier boulot et entraînements. Moi, il me faut du temps dans la tête pour progresser, c’est pourquoi je n’ai jamais pu travailler ni commencer un apprentissage. Quand j’ai arrêté la compétition, je voulais vraiment trouver un boulot, mais c’est allé de mal en pis. Je me suis retrouvé au service social et on m’a dit d’aller voir à l’AI (l’assurance-invalidité). Aujourd’hui encore, si on m’obligeait à travailler, je ne le pourrais pas. Franchement. J’ai l’impression de ne pas contrôler ma vie comme je le voudrais, raison pour laquelle, peut-être, on m’a mis à l’AI. Tout me fatigue, jusqu’au choix des chaussures. C’est un sentiment bizarre, comme si quelque chose voulait me mettre des bâtons dans les roues. »
Le retour « J’ai recommencé à courir parce que je ne me sentais pas bien. La première année, en Basse-Ville, fut particulièrement difficile : j’ai eu des maux d’estomac. Et comme il n’y a que la médecine naturelle qui me soulage, je me suis dit que trottiner à nouveau ne pouvait me faire que du bien. Et puis, un jour, j’ai vu ce type avec une belle foulée. Un universitaire tessinois. Il n’en fallait pas plus pour que mon esprit de compétiteur reprenne le dessus et pour que j’essaie de le rattraper. Comme son rythme était plus élevé que le mien, je l’ai « roté » mais j’ai croché et j’ai tout de suite progressé. Un jour, mon bonhomme a disparu. Et tout s’est enchaîné... »
Aujourd’hui « Je ne suis pas le vieux qui veut battre les jeunes à tout prix, mais je sens que je peux encore faire quelque chose, notamment à Morat-Fribourg. J’avais oublié que Morat-Fribourg était une course qui me convenait. On verra l’année prochaine. J’espère tenir jusqu’au mois d’octobre et passer convenablement l’été. Parce que l’été, c’est toujours un souci : en Basse-Ville, il y a plus de monde (réd : Krähenbühl habite tout près de la piscine de la Motta), moins d’air et moins d’espace. Comme je n’aime pas trop bouger, j’ai l’impression d’être coincé. Bien sûr, je pourrais en profiter pour partir en camp d’entraînement. Mais vivre avec des athlètes qui veulent à tout prix gagner, ce n’est pas mon truc. Déjà que je suis comme cela, alors voir son double, non merci ! »
Jacques Krähenbüh
– Né le 30 octobre 1964 à Berne.
– Marié à Marie-France avec qui il a deux enfants (Solène et Cyril).
Principaux résultats :
– Détenteur du record fribourgeois du 10 000 m en 28’44.
– Morat-Fribourg : 2e en 1986 en 54’19. 3e en 1989 en 53’17 (record personnel).
– Corrida bulloise : Vainqueur en 89, 2e en 1988. Deuxième meilleur temps absolu en 23’20.
– Cinq médailles nationales (cross et 10 000 m).
– Vainqueur de Sierre-Montana.
– Sélection aux championnats du monde de cross de Varsovie.
– Sélectionaux championnats du monde de cross de Colombier.
– Palmarès 2005 : 3e aux championnats suisses du 10 000 m sur piste. 13e à la course de Chiètres. Vainqueur à Belfaux. Deuxième à Neirivue - le Moléson. 16e à Morat-Fribourg (57’32).
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