Le réchauffement climatique, nouvel adversaire du marathon
Publié le mardi 28 octobre 2025 à 21h43min
Une étude de Climate Central révèle que la hausse des températures mondiales compromet les performances et la sécurité des marathoniens, tandis que les conditions optimales pour courir s’amenuisent dans la plupart des grandes villes du monde.
Des chercheurs alertent sur un impact inédit
Le changement climatique ne se contente plus de menacer les glaciers ou les récifs coralliens : il s’attaque désormais à un symbole de l’endurance humaine, le marathon. Selon une vaste analyse menée par l’organisation indépendante Climate Central, le réchauffement planétaire modifie peu à peu les conditions de performance et de récupération, poussant les limites humaines dans des contextes de chaleur croissante. Cette étude se fonde sur des données météorologiques et de performance collectées sur plusieurs décennies dans plus de 150 marathons internationaux, dont ceux de Boston, Paris, Berlin et Tokyo.
Des températures en hausse et des temps plus lents
Les données compilées entre 1990 et 2024 montrent un lien net entre la température ambiante et les performances des marathoniens : la vitesse diminue progressivement dès que la température dépasse environ 6 à 8 °C, avec une réduction moyenne de 0,3 à 0,4% de la vitesse pour chaque degré Celsius supplémentaire. L’étude publiée dans Medicine & Science in Sports & Exercise (PubMed ID : 22649525) confirme que la température optimale pour courir se situe entre 5 et 10 °C, selon les profils et niveaux des coureurs. Lorsque la température atteint ou dépasse 15 °C, la thermorégulation devient difficile, entraînant un risque accru de déshydratation, d’épuisement thermique et de baisse significative du rendement musculaire, affectant tant la santé que les temps de course.
Vers une raréfaction des « journées idéales »
Le rapport de Climate Central, intitulé Running Out of Cool Days (2024), met en évidence un phénomène alarmant : la probabilité d’avoir une journée « idéale » pour courir un marathon, c’est-à-dire sans pluie excessive, avec un vent modéré et une température comprise entre 5 et 10 °C, diminue partout dans le monde. À Paris, cette probabilité aurait chuté d’environ 23% depuis les années 1990. À Boston, où le marathon se court traditionnellement en avril, elle a baissé de près de 37%. Selon les projections climatiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) reprises par Climate Central, cette tendance pourrait se renforcer de 15 à 30% d’ici 2050 si les émissions de gaz à effet de serre persistent à leur niveau actuel.
Des records de performance menacés
Les marathons sont des épreuves de précision physiologique autant que de résistance. Les athlètes d’élite, soumis à des marges de performance infimes, voient leurs temps ralentir à mesure que les conditions s’éloignent de l’optimum. À Boston, par exemple, le marathon de 2012, disputé sous 28 °C, a connu plus de 200 hospitalisations liées à la chaleur, et les temps moyens des coureurs élites y étaient supérieurs de 9 minutes par rapport à ceux enregistrés lors d’éditions plus fraîches. Dans des villes comme Dubaï ou Singapour, les températures matinales dépassent régulièrement 25 °C, rendant impossible la tenue d’épreuves sans risques importants pour la santé.
Des mesures d’adaptation encore limitées
Les organisateurs de marathons du monde entier commencent à intégrer les impacts climatiques dans leur logistique. Certaines courses, comme celles de Berlin ou Chicago, ont avancé leur heure de départ pour profiter de températures plus basses le matin. D’autres événements adoptent des parcours davantage ombragés, des dispositifs de ravitaillement étendus et un suivi médical renforcé. Toutefois, ces aménagements demeurent ponctuels face à une tendance planétaire qui réduit les marges de manœuvre. Selon le docteur George Havenith, physiologiste du sport à l’université de Loughborough cité par ABC News, « aucun entraînement ne permet de compenser totalement la surchauffe corporelle lorsque la température dépasse 25 °C et que l’humidité relative dépasse 70% ».
Les athlètes amateurs, premières victimes du réchauffement
Si les coureurs d’élite bénéficient d’un encadrement médical et logistique de haut niveau, la majorité des participants aux marathons urbains sont des amateurs exposés à des conditions de course de plus en plus difficiles. Les chercheurs notent une hausse moyenne de 5% des abandons au-delà de 20 °C et une multiplication par trois des incidents médicaux liés à la chaleur entre 2000 et 2020. Dans les grandes métropoles, l’effet d’« îlot de chaleur urbain » accentue encore le problème, en augmentant localement la température de plusieurs degrés par rapport aux zones rurales environnantes.
L’équilibre entre performance et santé publique
Le dilemme devient alors double : préserver la dimension compétitive et festive du marathon tout en assurant la sécurité des participants. Plusieurs villes envisagent des ajustements structurels, comme décaler la période des compétitions principales vers l’automne, voire organiser des courses nocturnes. Mais selon les climatologues de Climate Central, ces stratégies ne suffiront pas à contrer la tendance de fond. Le sport de masse, historiquement vecteur de santé, risque de devenir synonyme de risque sanitaire si les adaptations ne s’accompagnent pas d’une réduction globale des émissions et d’une planification climatique des grands événements sportifs.
La course contre la chaleur est lancée
Le marathon a longtemps symbolisé la lutte de l’homme contre ses propres limites. Désormais, il illustre aussi la lutte de l’humanité contre le réchauffement global. Si les progrès technologiques, la préparation mentale et les équipements continuent d’améliorer les performances, le facteur environnemental s’impose comme la nouvelle variable décisive. Sans une action climatique ambitieuse, les conditions propices aux grandes performances s’évaporeront aussi sûrement que la rosée du matin sur le bitume chauffé des villes. Les marathoniens du futur devront courir non seulement contre la montre, mais aussi contre le climat.
Comment le changement climatique affecte-t-il les marathons ? : Simulation interactive par marathon (Application en ligne)
Voir en ligne : Marathons
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