Michel Bréal, l’inventeur oublié du marathon moderne
Publié le jeudi 27 novembre 2025 à 15h13min
À l’occasion du 110ᵉ anniversaire de sa disparition, Michel Bréal s’est éteint le 25 novembre 1915, cet article retrace le rôle décisif que ce linguiste et philologue a joué dans la naissance du marathon moderne, depuis sa lettre de 1894 jusqu’au premier départ à Athènes en 1896, et explique pourquoi son nom mérite aujourd’hui d’être mieux connu des coureurs et des organisateurs.
Une commémoration pour réhabiliter un fondateur
Michel Bréal n’était ni athlète, ni entraîneur, ni organisateur sportif, professeur et helléniste de renom, né le 26 mars 1832, il a pourtant, par une idée glissée dans une lettre à Pierre de Coubertin en 1894, contribué à créer l’une des épreuves les plus emblématiques du sport moderne. À la veille du 25 novembre, date de sa disparition en 1915 que nous commémorons cette année, il est opportun de rappeler les faits et de replacer son geste dans son contexte intellectuel et historique.
Un érudit, pas un sportif
Formé à l’École normale supérieure et professeur au Collège de France, Bréal doit sa renommée aux travaux de philologie et à ses études sur la langue et les textes antiques, son univers est celui des mots et des idées. Pourtant, animé d’un goût profond pour l’Antiquité grecque et en lien avec Pierre de Coubertin, il participa aux débats qui entourèrent la renaissance des Jeux olympiques et proposa une épreuve capable de lier symboliquement le présent au passé.
La lettre du 15 septembre 1894
Alors qu’il séjournait à Glion, en Suisse, Michel Bréal écrivit à Pierre de Coubertin une lettre datée du 15 septembre 1894 dans laquelle il suggérait, mot pour mot, d’organiser « une course de Marathon au Pnyx » pour rappeler la saveur antique. Il proposa même d’offrir un trophée, la « Coupe de Marathon », destinés au vainqueur. Cette missive, conservée dans les archives et relayée par les sources historiques consacrées aux origines des Jeux modernes, est le point de départ documenté de l’épreuve telle qu’elle apparaîtra à Athènes.
« Puisque vous allez à Athènes, voyez donc si l’on ne peut organiser une course de Marathon au Pnyx. Cela aura une saveur antique. Si nous savions le temps qu’a mis le guerrier grec, nous pourrions établir le record. Je réclamerais pour ma part l’honneur d’offrir la Coupe de Marathon. »
Athènes 1896 : la proposition devient épreuve
Lorsque les premiers Jeux Olympiques modernes s’ouvrirent à Athènes le 10 avril 1896, une course prenant pour cadre la plaine de Marathon jusqu’au stade panathénaïque figura au programme. Environ quarante kilomètres séparaient la ligne de départ de l’arrivée, dix-sept coureurs prirent part à l’épreuve et le Grec Spyrídon Louis en remporta la victoire. Michel Bréal, qui avait suggéré l’épreuve et conçu le geste symbolique, vit son idée prendre corps sur le terrain sans jamais chercher à en faire une gloire personnelle excessive.
La coupe et la mémoire matérielle
La « Coupe de Marathon » commandée par Bréal pour récompenser le vainqueur témoigne du lien concret entre l’idée et sa réalisation. Ce trophée et la lettre elle-même font partie des éléments d’archives qui permettent aujourd’hui de vérifier la paternité intellectuelle de Bréal sur l’épreuve. Si le mythe populaire retient souvent l’image du messager antique, les documents du XIXᵉ siècle attestent bien qu’un érudit français contribua à transformer ce récit en dispositif sportif.
Un héritage qui échappe au nom
Le marathon s’est rapidement imposé comme symbole d’endurance et d’accomplissement personnel : des courses prestigieuses aux massives épreuves populaires, la discipline a connu une diffusion planétaire. La distance a été fixée ultérieurement à 42,195 km (normalisée au début du XXᵉ siècle à partir des Jeux de 1908 à Londres), et des marathons célèbres sont nés à Boston, Londres, Berlin ou New York. Pourtant, la plupart des coureurs et spectateurs ignorent que la genèse de l’épreuve moderne se rattache à la proposition d’un philologue et non à une initiative strictement sportive.
Pourquoi rappeler Bréal aujourd’hui
Rendre hommage à Michel Bréal au moment de commémorer sa mort, il y a 110 ans, n’est pas un exercice de simple érudition : c’est rappeler que les formes du sport moderne sont parfois le produit d’une imagination culturelle, d’un geste intellectuel qui a su mobiliser symboles et histoire. Pour les organisateurs, les commentateurs et les coureurs, replacer l’origine du marathon sous le nom de Bréal permet de mieux comprendre la dimension narrative et patrimoniale de l’épreuve.
Bréal n’a pas donné son nom à une distance, mais à un destin.
Celui d’une course devenue universelle.
Celui de millions de femmes et d’hommes qui, chaque année, repoussent leurs limites sur un tracé né d’une idée… née d’une lettre.
Un nom à réinscrire dans l’histoire du marathon
En ce 25 novembre, cent dix ans après la disparition de Michel Bréal, il est temps de redonner au philologue la place qu’il mérite dans la mémoire du marathon moderne : non pas comme un inventeur au sens technique, mais comme celui qui, par une lettre, sut faire converger histoire et sport et imaginer une épreuve capable de traverser les âges. Quand la ligne d’arrivée se dessine, c’est aussi son idée qui court encore.
En savoir plus : Michel Bréal, le marathon, l’olympisme et la paix
Voir en ligne : Marathons.fr
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