Le Marathon de Genève est d’abord une affaire de cœur

Par vague et par défi, de New York à Katmandou, ils déferlent sur la planète en suivant la ligne bleue, parfois imaginaire, qui court devant eux. Lissée sur le bitume ou tracée dans le sable, elle mesure 42,195 kms. Une distance aussi sacralisée que le nombre pi.
« Imaginez, 42,195 kms, c’est courir d’une seule traite jusqu’à Ikea, mais autant le faire à l’aller car avec des meubles sur le dos, c’est encore plus ardu ! » Mardi soir aux Palettes, Grégoire Pennone faisait partager à son assistance la passion et le respect qu’il porte au marathon.

Face à lui, quelques-uns des 800 bénévoles (un pour quatre coureurs !) qui s’activeront dimanche à l’occasion du 2 ème Genève Marathon. Et parmi eux, un accro pas rancunier, abandonné l’an passé à un carrefour isolé, sans casquette et sans sandwich ! « Sans vous, rien ne serait possible », les félicitait le patron de la course, lui aussi bénévole comme les 45 membres du comité d’organisation.

3400 coureurs à satisfaire

C’est à l’initiative de Grégoire Pennone, un spécialiste en fiscalité, et de ses amis que le marathon genevois a été remis à flot plus de vingt ans après son naufrage. « Toutes les grandes villes ont leur marathon, même Winterthour, pourquoi pas Genève ? » Le vide comblé, les voilà qui se démènent afin d’en assurer l’essor mais surtout la pérennité. Le soutien inconditionnel des autorités leur donne du cœur à l’ouvrage. La folie des grandeurs ne menace pas le Marathon de Genève. « Notre priorité, c’est le plaisir et le confort des concurrents », plaide Grégoire Pennone, un fou de Big Apple et de son marathon à l’ambiance incomparable. « Le départ à Staten Island, c’est un peu comme Paléo, raconte-t-il. Cela dit, il faut être réaliste, Genève n’est et ne sera jamais New York ». Ni Paris d’ailleurs où l’organisateur genevois s’est fondu ce printemps dans la foule des 31000 partants. « Courir au pied de la Tour Eiffel, c’est magique, mais on se fait marcher sur les pieds... »

Dimanche, la scène de la rade s’ouvrira sur une course forcément plus intimiste ! Et sur les 3484 engagés, une majorité (régionale) se contentera de disputer le semi-marathon. Un hiver rude, la concurrence de la Patrouille des glaciers et un budget de promotion limité expliquent sans doute l’engagement réduit des coureurs sur la distance mythique. « Les marathoniens sont des voyageurs. Ils n’ont pas l’habitude de courir deux fois de suite la même épreuve », ajoute Grégoire Pennone. La chasse au record n’étant pas son sport préféré, l’organisateur se soucie de crédibiliser sa manifestation autrement. En se préoccupant de l’essentiel, des besoins urgents (le nombre de cabines WC a été doublé) comme des détails (une grille de sudoku fait partie du kit du parfait bénévole).

Surtout, le parcours a été réaménagé, émargé de son « final sans fin » vers le Vengeron, circonscrit à la rade pour le semi, validé par l’IAAF et, selon le vœu des coureurs, balisé sans fantaisie cette fois. De plus, une dizaine de groupes musicaux animeront les principaux points de passage, de l’avenue de la Paix à la rotonde du Mont-Blanc. « Mais on espère aussi que le public se joindra à la fête », conclut Grégoire Pennone.

 Tesfaye Eticha fidèle au poste malgré tout

Tesfaye Eticha est prophète en son pays d’accueil. Récidiviste, il a déjà conquis sept fois le Marathon de Lausanne et inscrit ceux de Bâle, Zurich, Genève et de la Jungfrau à son tableau de course. C’est donc tout naturellement (moyennant un accord financier) que le coureur d’origine éthiopienne défendra son titre dimanche, quatre semaines après avoir triomphé sous le déluge zurichois en 2 h 12 min. Eticha éprouve un profond attachement pour sa ville d’adoption et possède d’excellentes facultés de récupération. C’est dire qu’il devrait être fidèle à sa réputation même si la présence de l’éthiopien Behailu Tegegne, qui annonce un record personnel de 2 h 12 min 20, compliquera peut-être sa tâche.

Agressé devant chez lui

En fait, la vie d’Eticha n’est pas un long fleuve tranquille. « Psychologiquement, il vient de traverser des moments difficiles », note Pierre Morath, le fidèle entraîneur (lui aussi disputera le marathon, « mais un peu moins vite ! ») en évoquant l’hospitalisation de sa femme et une récente agression dont le coureur du Stade Genève a été victime devant son domicile de Châtelaine en présence de sa petite fille de 3 ans. Traumatisée par cet incident heureusement sans gravité physique, celle-ci peine à trouver le sommeil la nuit.
Dans l’épreuve féminine, la victoire devrait se jouer entre l’éthiopienne Etaferahu Yimer, la russe Jeanna Malkova et la polonaise Joanna Chmiel, toutes trois créditées d’un chrono de 2 h 35 min.

 En chiffres

Participation
3483 coureurs inscrits, (1231 marathoniens, 2252 semi-marathoniens), dont 70 % de Suisses et 24 % de Français.
Concurrents classés en 2005 : 1384 marathoniens et 1516 semi-marathoniens.

Records (marathon)
Messieurs : 2 h 15 min 29 s par Tesfaye Eticha.
Dames : 2 h 45 min 53 s par Chawla Keneni (Kén).

Budget
800000 francs, dont 200000 francs de frais de communication, 100000 francs de frais de transport et 56000 francs de prize-money (6000 francs au vainqueur).

Bénévoles
800 personnes, soit 100 de plus qu’en 2005.

En vrac
6 postes de ravitaillement, 8 médecins, 40 WC, 400 carrefours sécurisés, 1960 éponges, 3000 litres de thé, 6640 bananes, 33600 gobelets.