Françoise Mbango Etone : « Je compte bien battre le record olympique »
Publié le lundi 1er septembre 2008 à 14h37min
La double médaillée d’or olympique au triple saut féminin était face à la presse vendredi, à Yaoundé.
Comment expliquez-vous que c’est en prenant de l’âge que vous améliorez votre performance ?
C’est le résultat de plusieurs années de dur labeur. Cela fait plus de dix ans que je suis athlète de haut niveau. J’ai commencé au stade omnisports, avec le coach Kameni. C’est grâce à lui et aux performances réalisées que j’ai pu aller au centre de Dakar où j’ai travaillé avec un Russe et un Ukrainien. Pendant mon séjour à Dakar, j’ai battu le record d’Afrique de triple saut et réalisé ainsi la troisième performance mondiale de la discipline. Après Dakar, je suis allée en France où, évidemment, le matériel était plus perfectionné et j’ai obtenu ma première médaille professionnelle à Edmonton. Ce n’est pas un miracle si j’arrive à de tels résultats.
Pourquoi avez-vous travaillé avec votre petite sœur et non avec un entraîneur de haut niveau ?
Je travaille avec ma petite sœur, car on se fait mutuellement confiance. C’était très dur, car, à Athènes, elle n’était pas connue du tout. Nous avons travaillé d’arrache pied et je suis contente de lui avoir fait confiance depuis ce temps, car le résultat est visible par tous.
Pouvez-vous nous rassurer à propos des fameux 80 millions ?
En ce qui concerne les 80 millions F Cfa octroyés par le président de la République, je rassure tous les Camerounais que je les ai bien reçus.
Concrètement, par quels voies et moyens le président de la République vous a-t-il aidée ?
Le président de la République m’a aidé de trois manières. La première façon de m’aider est de me faire confiance en faisant de moi, il y a quatre ans, chevalier de l’ordre et de la valeur. Il a dit : "Faites comme Françoise et ramenez nous des médailles". Il m’a également aidée en mettant à ma disposition des moyens financiers et en facilitant l’échange sportif avec l’instance sportive et le président du comité olympique.
Pourquoi vouliez-vous réitérer l’exploit d’il y a quatre ans à Pékin ?
Après avoir gagné en 2004, à Athènes, je me suis rendue compte qu’au Cameroun, on ne connaissait pas la valeur de la médaille d’or olympique. Elle est plus grande que la coupe du monde et toutes les autres compétitions. C’était la première fois que cela arrive au Cameroun en sport individuel, en Afrique centrale, et en plus par une femme. Il me fallait reproduire cet exploit pour qu’on le comprenne véritablement.
Vous n’étiez pas au village olympique avec les autres sportifs. Quelle est la raison de cet éloignement ?
J’ai quitté le Cameroun avec la dernière délégation pour Pékin. J’ai passé 48 heures au village olympique avec les autres. Mais, voyez-vous, j’ai eu peur de ne pas récupérer à temps. Ma journée de travail commençait entre 13 et 14 heures. Je me suis retrouvée dans un autre site avec près de 20 autres personnes de l’équipe camerounaise. Le cadre dans lequel je me trouvais était propice pour mon repos et ma concentration et il est commode dans une équipe que la personne la plus apte à rapporter des médailles soit éloignée des autres.
Qu’est-ce qui explique les contrôles antidopage que vous subissiez ?
Les contrôles se font à tout moment, pas seulement pendant les compétitions comme on peut le croire. J’en ai fait un quand j’étais enceinte. Il faut comprendre que les meilleurs sportifs de la planète, qui figurent sur la liste du top 50, sont évidemment les plus contrôlés. A Pékin, j’ai fait un test. À Athènes, j’en ai fait quatre qui se sont révélés tous négatifs et c’est la raison pour laquelle je garde ma médaille d’or jusqu’à ce jour. Cela n’a rien à voir avec la couleur de ma peau, mais avec mes performances.
Dans quel état d’esprit avez-vous abordé la compétition ?
J’avais la foi, car rien de grand ne peut se faire dans ce monde sans la volonté de Dieu. La vengeance ne construit pas. J’ai eu la foi et j’ai réussi.
Nous avons remarqué qu’à Athènes, vous alliez crescendo, et à Pékin vous avez aligné 15,19 m. Ensuite, 15,39 m et vous êtes redescendu dans les 14 mètres. Qu’est-ce qui explique cela ?
A Pékin, mon adversaire le plus redoutable était la récupération. Le concours commençait à 21h35 et je devais passer à 22h. Nous étions douze filles et je passais en neuvième position. Je devais commencer fort, parce qu’à cette heure, le corps se fatigue vite et il fallait aligner le plus long bond d’entrée de jeu. Par contre, à Athènes, la compétition commençait à 13 heures. A cette heure, le corps est encore chaud et je sais que je peux allez au-delà de mes capacités et c’est ce qui s’est passé.
Expliquez-nous la compétition ?
L’essentiel était d’aligner le plus grand bond et j’ai donné le ton avec 15,19 m, ensuite a suivi 15,23 m. Là, je me suis fâchée. Je me suis sentie comme une lionne enragée et j’ai sauté 15,39 m. Avec cette performance, j’étais sure que personne n’allait faire mieux, surtout que j’avais l’avantage de contrôler mes adversaires. Je suis satisfaite de mon résultat, j’ai encore beaucoup à donner. Je suis à onze centimètres du record olympique et je compte bien le battre, car il faut que ce record reste au Cameroun.
Dans l’immédiat, quelles sont vos ambitions ?
Ma saison sportive n’est pas terminée. Il y a la finale mondiale, à Stuttgart, dans quelques jours, et les championnats du monde l’année prochaine. Je suis à onze centimètres du record mondial et il serait bête de ne pas vouloir le battre. Je vais essayer du mieux que je peux de promouvoir le sport en allant dans les établissements scolaires, rencontrer les jeunes et leur enseigner le culte de l’effort. Je ne suis pas la seule à pratiquer le triple saut. Je suis, certes, l’une des rares à être au summum. C’est pourquoi j’aimerai encourager ceux qui veulent et pratiquent cette discipline. Je suis revenue de Pékin avec des équipements que je me ferai un plaisir d’offrir à ceux qui en ont besoin.
Après votre victoire à Pékin, vous avez remercié la Fédération française d’athlétisme et pas votre fédération. Comment doit-on comprendre cela ?
Je suis la vitrine du sport camerounais à l’extérieur et quand je remercie la Fédération française d’athlétisme, c’est simplement parce qu’elle m’a permis de me préparer. Les infrastructures de la France ne sont pas les mêmes que celles d’ici. Il m’était carrément impossible de ne pas les remercier, car je suis citée comme exemple en France. Je pense qu’il faut savoir dire merci et demander après. Le plus facile est de leur demander de nous donner des infrastructures et avec l’aura que j’ai aujourd’hui, je crois que ca se fera dans les jours à venir.
Quel regard portez-vous sur le rendement de la Cameroon Olympic Team ?
Je pense qu’en faisant l’autocritique face à la moisson de la Cameroon Olympic Team, il faut se demander pourquoi nous n’avons eu qu’une seule médaille et pas davantage. Il est également vrai que le fait de ne pas avoir de médailles veut dire qu’on a raté sa compétition, car certains athlètes ont battu leur record personnel et du Cameroun, à l’instar de Mani Léonie et Mireille Nguimgo. Je reste persuadée qu’on peut se surpasser et avoir une moisson beaucoup plus abondante.
* Propos recueillis par Alvine Hyamo
Voir en ligne : Camer.be
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