Hind Dehiba : « Je suis fière de moi ! »

Vous rentrez du meeting de Rieti avec un record de France sur 1500 m en 4’0"49. Vous y attendiez-vous ?

Oh non ! Je ne m’y attendais pas du tout. Je suis hyper contente. Mais en même temps je sais aussi que ce n’est qu’un record et que ce n’est pas fait pour durer. J’espère juste le battre et le rebattre encore...

Comment vous sentiez vous avant cette course ?

J’étais bien dans les jambes, un peu stressée, mais bien. Surtout dans la tête. Or c’était dans la tête que cela bloquait cette année. Là, à Rieti, j’ai eu le sentiment d’avoir pu m’exprimer pleinement sur la piste. C’est la deuxième fois que cela m’arrive cette saison après le meeting de Paris. Je ne sais pas l’expliquer. Aux mondiaux, par exemple, j’étais sur la piste physiquement, mais pas mentalement. Et c’est pour cela que je ne suis pas parvenue à expliquer ce qui c’était passé, pourquoi j’avais ainsi échoué (ndlr : éliminée en série en 4’12"23). Comme si je n’avais pas été là...

Fodil Dehiba, votre mari, qui est également votre entraîneur, n’était pourtant pas là, alors qu’il était présent à Helsinki. Comment avez-vous géré ce meeting sans lui ?

Au téléphone. Nous nous sommes beaucoup appelés. Je sais qu’il faut que je m’habitue à son absence, mais c’est difficile, cela ne peut pas se faire comme ça du jour au lendemain. A Rieti, je l’ai appelé 15 minutes avant le début de la course. Il m’a dit d’être agressive, parce que je n’avais pas réussi à l’être à Helsinki. « Quand tu entends la cloche, tu te réveilles ! ». J’avais besoin d’entendre ces paroles, plus celle de l’entraîneur que du mari.

La nouvelle citoyenne du Bahreïn, Maryam Jamal, remporte le 1500 m en établissant la meilleure performance mondiale de l’année en 3’56"79. Aviez-vous senti que la course était si rapide ?

Non pas vraiment. C’est d’ailleurs mon manager qui est venu me voir pour me dire que j’avais battu le record de France. J’avoue que si j’avais su que la course était si rapide et que j’étais sur les bases du record de France, j’aurai essayé de m’arracher un peu plus pour faire encore mieux. Ceci dit, cela a été une bonne course pour moi... Cela a été juste difficile dans les 60 derniers mètres mais je n’ai pas de regret. C’est mon destin... Peut-être que si Fodil avait été là, il aurait pu me dire que j’étais sur les bases du record. C’est peut-être le seul regret finalement : ne pas avoir su et ne pas avoir pu réagir en conséquence... Mais je suis surtout contente et fière d’avoir réussi à faire cela toute seule.

Ce record de France, est-ce une revanche sur votre échec à Helsinki ?

Non. Je ne pourrai jamais rattraper un championnat du monde par un record. La revanche ce sera pour les prochains mondiaux.

En quoi votre rivalité avec Bouchra Ghezielle peut-elle vous aider dans votre progression ?

Je pense que c’est bien pour la France et pour le 1500 m d’avoir deux athlètes comme nous. On a besoin d’avoir du monde et de la concurrence pour progresser. C’est pourquoi je pense que l’on peut faire progresser ce record de France à deux même si ce serait peut-être mieux si on était encore plus à évoluer à ce niveau.

Quels vont être vos objectifs désormais... ?

Je n’ai plus qu’un meeting cette année, celui de Monaco. L’année a été longue et fatigante. Après, je prendrais un mois cool avant de reprendre l’entraînement. Mon objectif est de descendre sous les 4’ l’année prochaine. Cette course est déjà positive pour moi. C’est en effet la première fois que je me sens fière de ce que j’ai accompli. Je pense qu’il y a eu comme un déblocage après les mondiaux. J’avais tellement été déçue de ne pas avoir réussi à m’exprimer là-bas que je ne voulais pas revivre la même chose. Cela laisse beaucoup trop de traces dans le cœur et dans la tête.