L’insoutenable supériorité d’Allyson Felix

Jones, qui a avoué toute penaude s’être dopée, a rendu ses cinq médailles, dont les trois en or, conquises aux JO de Sydney 2000. Felix, elle, vise la bagatelle de quatre victoires aux Jeux de Pékin, en dépit d’un calendrier qui rend son projet de doubler 200 et 400 m difficilement réalisable.

Qu’à cela ne tienne : la Californienne pourrait s’aligner sur 100 m, distance sur laquelle elle fut championne du monde cadette en 2001, à 15 ans et 8 mois. Car Allyson, élevée dans une ambiance religieuse (son père Paul enseigne le Nouveau testament), a reçu comme son frère aîné Wes des dons athlétiques rares. D’autres préfèreront évoquer une "génétique" exceptionnelle.

Ecart

A 18 ans, elle est ainsi vice-championne olympique du 200 m à Athènes en 2004, seulement battue par la Jamaïcaine Veronica Campbell. A Osaka, Felix a infligé 53/100 èmes à Campbell, le plus gros écart jamais enregistré au niveau international sur le demi-tour de piste. Un autre monde ! Pour trouver une athlète aussi rapide (21"81), il faut d’ailleurs remonter au siècle dernier et notamment à... Marion Jones.

Surnommée "cuisses de poulet" par ses partenaires, la gracile Allyson (1,68 m, 57 kg) a la légèreté du papillon quand elle s’envole dans la ligne droite. "Sa fragilité est trompeuse, car elle a un rapport poids/force remarquable", souligne son entraîneur Bob Kersee. Cela signifie que, sans avoir l’air d’y toucher, la sprinteuse américaine est capable de soulever de belles charges de fonte. L’insoutenable (pour ses adversaires) légèreté d’Allyson ne serait donc qu’une vue de l’esprit.

Et si elle s’en remet aux voies du Seigneur, la jeune femme peut être impitoyable. Ainsi, alors que la plus médiatique Sanya Richards eut déclaré l’an dernier qu’elle se verrait bien tenter le doublé 200/400 m à Pékin, Felix a répondu sur la piste.
"Richards vient sur mon domaine (200 m), je vais la défier dans le sien (400 m)". En 2007, elle a ainsi battu sa rivale sur le tour de piste à Stockholm, sans préparation spéciale (49"70 contre 49"72).

Trophée Jesse Owens

Mais c’est lors de la finale du relais 4x400 m aux Mondiaux, le 2 septembre, que Felix avait impressionné. En deuxième relayeuse, elle avait couvert son 400 m lancé en 48 secondes, beaucoup mieux que Richards en dernière équipière. Deux jours plus tôt, en finale du 200 m, Allyson avait pulvérisé l’impertinente, reléguée à près d’une seconde. Pour comprendre les dessous de l’affaire, il faut savoir que l’agent de Felix, Renaldo Nehemiah, ex-grand du 110 m haies, travaillait auparavant avec Richards.

Avec Tyson Gay, également triple médaillé d’or à Osaka, Felix a reçu le trophée Jesse-Owens 2007, décerné chaque année par la Fédération américaine d’athlétisme (USATF) à ses meilleurs athlètes.
"En 2007, Allyson et Tyson ont pris d’assaut le monde du sprint, a clamé Craig Masback, directeur général de l’Ustaf. Leur jeunesse, leur humilité et leur grâce, même lorsque la pression est énorme, font d’eux de grands champions".

Dans sa vertigineuse ascension, Felix n’est cependant pas vierge de tout soupçon. Elle a été (l’est-elle encore ?) proche de Justin Gatlin, double champion du monde 2005 (100/200 m) tombé depuis pour dopage.