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Le jogging est-il de droite ?


Publié le jeudi 28 juin 2007 à 21h01min

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Présidentiel et populaire à la fois, la course, c’est tout un style, voire un engagement.




Un président adepte de la petite foulée, et qui le fait savoir. Une Scarlett Johansson styliste pour Reebok, quand Nike s’offre Stella McCartney. On serait benoîtement tenté de se demander : « Tiens, le jogging serait-il donc à nouveau à la mode ? » On aurait tort sur un seul point : on dit « running », maintenant. C’est plus classe. Marathoniens ascétiques et coureurs du dimanche confondus, ils seraient 8 millions aujourd’hui en France, selon la dernière étude menée par Adidas. Juste derrière la marche, la natation et le vélo, la course à pied est devenue, en moins de trente ans, l’un des sports les plus populaires chez nous. Pourquoi un tel engouement ? Plus qu’une simple façon de marcher, c’est aussi une façon de penser.

Courir derrière un idéal

« Plus qu’une mode, c’est un vrai mode de vie aujourd’hui », souligne Patrick Mignon, sociologue du sport à l’Insep (Institut national du sport et de l’éducation physique). Le marathon de Paris en est la preuve : 100 participants pour sa première édition, 30000 trente ans plus tard. Et 250000 personnes venues regarder cette course désormais médiatique.
« Le jogging est apparu en France dans les années 80, explique Patrick Mignon. On copiait le modèle américain, toujours précédé d’une aura de modernité et de liberté. Par ailleurs, il entrait en résonance avec des valeurs nouvelles : culte de la performance, valorisation du corps, importance de l’apparence physique ». Tiens, tiens, ne serait-ce pas des valeurs présidentielles, ça ? En tout cas, c’est à cette époque que, de façon générale, le sport connaît son plus fort développement. Selon l’Insee, 28 % des Français pratiquaient une activité sportive en 1967.

En 2000, ils étaient 83 %. Entre les deux, « on a étendu la définition du sport à toute activité physique, et démocratisé ainsi sa pratique » poursuit le sociologue. « Les gens ont voulu sortir des stades et des fédérations, explique Odile Baudrier, rédactrice en chef de VO2, magazine spécialisé. Aux clubs, matchs, et championnats, ils préféraient une pratique moins réglementée, plus ludique, et surtout plus accessible ». A portée de main, de foulée, et de porte-monnaie, le jogging s’impose tout naturellement. Il connaît un second pic dans les années 2000, avec ces nouvelles plages de loisirs libérées par les 35 heures. « Aujourd’hui, cela dit, on court moins après le résultat, précise-t-elle, le culte de la performance a fait place à un souci de bien-être, de développement personnel, autre grande tendance de notre société ». Moyennement élyséen, ça.

Courir pour son coeur

Le vrai joggeur se lève tôt. Il est donc tendance, forcément tendance. Et en plus, il est en bonne santé. Mens sana in corpore sano, depuis le temps qu’on nous le répète. Et ça, c’est pas le Président qui dirait le contraire. Petite précision apportée depuis par la recherche médicale : « Seuls les sports d’endurance ont prouvé leur effet à long terme sur la santé, souligne Pascal Geiger, médecin du sport. Ils diminuent l’hypertension, la glycémie, le cholestérol, les risques cardiovasculaires. Donc, ils augmentent la durée de vie ». Encore faut-il tenir un certain niveau d’entraînement (trois sorties minimum par semaine, et quarante minutes par séance). Sportifs velléitaires s’abstenir : des footings irréguliers n’ont strictement aucun intérêt, à part claironner partout qu’on est « allé courir au bois ». Car il y a des règles, et ça se respecte, une règle : on augmente les cadences progressivement, on se fend de 100 euros minimum pour avoir une bonne paire de chaussures, et on s’hydrate pendant la séance. Trois litres au moins. Sinon, gare : « Pratiqués n’importe comment, tous les sports deviennent nuisibles, poursuit le Dr Geiger. Le jogging peut avoir des conséquences néfastes sur les muscles, les tendons, les articulations, le dos, les genoux ». Gaffe, donc, Nicolas.

Courir derrière des idées

Plus fondamentale, la polémique qui fait rage sur Internet : courir, c’est de droite, ou de gauche ? Tout a commencé, bien entendu, par des commentaires sur la foulée présidentielle. Puis son symbole. Puis ses valeurs. A ma gauche, l’auteur du site diner’s room s’est auto-attribué le prix du blog le plus « no-jogging ». Parce que « le jogging est nuisible à toutes les choses et de toutes les manières. Il nuit à la santé, à l’élégance, à la marche, à la dignité des mutilés de guerre, à la prostitution ». Réplique illico d’une des vedettes de la toile, Loïc Le Meur, aussi joggeur que sarkozyen. Et âpre défenseur de tous ces jeunes « successfull entrepreneurs » qui ont juste envie d’être bien dans leur corps et de se dépasser. Qu’ils soient de droite ou de gauche.

Le débat fait sourire Odile Baudrier : « On avait tenu le même dans nos pages il y a quelques années. Le jogging, bien sûr, se retrouve du côté de la performance et de l’individualisme, valeurs traditionnellement attribuées à la droite. En même temps, la recherche du bien-être, c’est surtout hors clivage ». On pourrait ajouter que le contact avec la nature, c’est plutôt écolo. Et le sport accessible à toutes les bourses, carrément communiste. « Traditionnellement, les intellectuels français ont toujours eu un certain mépris pour le sport, souligne Patrick Mignon. Seule la tête compte. A l’inverse, c’est vrai, les régimes totalitaires ont toujours mis l’accent sur le développement exclusif du corps. Entre les deux, on oublie trop souvent que les humanistes de la Renaissance prônaient une éducation totalement équilibrée, partagée entre le physique et l’intellect ». N’empêche, Mitterrand, lui, il marchait.


Voir en ligne : Liberation

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