Les sprinteurs jamaïcains sont-ils vraiment propres ?
Publié le vendredi 29 août 2008 à 17h17min
La domination des sprinteurs jamaïcains matérialisée par six titres olympiques suscite autant d’admiration qu’elle soulève des interrogations. Eléments de réponse.
Les succès en rafale, c’est comme le comique de répétition. à force, ça lasse. Au début, le show au 100 mètres de Bolt nous a bien fait rigoler. Puis vint celui de ses copines Fraser, Simpson et Stewart sur la même distance, Campbell sur 200 m et Walker sur 400 m haies. Entre-temps, Bolt en remettait une couche sur 200 m, avant que le relais 4 x 100 m masculin n’achève le travail. En l’espace de huit petits jours, la Jamaïque aura amassé sur le tartan pékinois presque autant de titres olympiques que depuis sa première breloque glanée aux Jeux de Londres en 1948. Soit six médailles d’or contre sept jusque-là. Est-ce l’effet Bolt ? Une dynamique de groupe ? Un état de grâce ? Ou plutôt le résultat de méthodes inavouables et prohibées ? Allez savoir. En tout cas, les raisons valables comme les zones d’ombre ne manquent pas.
Mère patrie du reggae, de la danse et de la ganja, la Jamaïque est également une authentique terre de sprint. Dès l’âge de 6 ans, l’enseignement de la course à l’école est obligatoire puisque l’athlétisme est considéré comme le sport roi. Mais très vite, les compétitions scolaires pour champions en herbe prennent le pas sur les coudes à coudes de cours de récréation. En fin d’année, les célèbres " Boys and Girls ", sorte de championnats nationaux pour athlètes de poche, rassemblent près de 30 000 spectateurs au National Stadium de Kingston. " Les gens voient à travers l’athlétisme un moyen de s’élever socialement et, n’ayons pas peur des mots, de se sortir de la pauvreté, souligne Grace Jackson, médaillée d’argent sur 200 m aux J.O. de Séoul en 1988. C’est exactement ce qui s’est passé pour moi qui me suis investie dans l’athlé dès mon plus jeune âge. " Au fil des années, la détection s’intensifie et le maillage se rétrécit. Si hier encore, les meilleurs succombaient aux sirènes des universités américaines, aujourd’hui, le gratin reste s’entraîner au pays sur des pistes en herbe. L’ambiance y est excellente, les entraîneurs réputés et le cadre de travail presque à niveau.
Le sprint dans le sang
" Il y a une capacité naturelle à bien courir en Jamaïque, explique Olivie Grange,
la ministre de la Jeunesse et des Sports. Cette aptitude vient certainement de notre état d’esprit, de notre culture, de notre art de vivre et de notre travail à l’entraînement. " Ainsi, depuis 1952 et la première médaille olympique décrochée en athlétisme par Herbert McKenley, cette île grande comme un département français n’a cessé d’enfanter des champions tels Lennox Miller, Don Quarrie ou encore Merlene Ottey. Mais aussi d’autres, passés à " l’ennemi " comme Lindford Christie et Donovan Bailey, ou le bien moins respectable Ben Johnson. " Lorsque vous êtes jamaïcain, vous êtes doué pour la vitesse, explique le sprinter britannique Christian Malcolm. Moi-même, j’ai du sang jamaïcain qui coule dans mes veines. Et il semblerait que c’est pour ça que je cours vite. Les Jamaïcains doivent donc avoir le sprint dans le sang. "
La domination outrancière des sprinteurs jamaïcains interpelle néanmoins. A commencer par les initiés, comme Franck Chevallier, Directeur technique national de l’athlétisme tricolore. " Quand on voit autant de jaune et vert sur les podiums, on peut se poser des questions. Quand il y a une personne comme Bolt, on peut dire que c’est exceptionnel. Mais quand il y en a dix, c’est surprenant. Et troublant, même, quand on connaît la valeur du sprint américain. Et je suis d’autant plus circonspect quand je vois les progressions hors normes de certains en un an. " Ce qui stupéfie également, c’est cette somme de petits détails. Comme l’absence d’agence nationale antidopage sur le sol jamaïcain. Ou encore les appareils dentaires portés par Shelly-Ann Fraser et Melaine Walker, lauréates du 100 m et 400 m haies. Le genre d’accessoire utilisé par les tricheurs pour tenter de rectifier une dentition déformée par la prise massive d’hormones de croissance... Pour l’instant, la Fédération internationale (IAAF) avoue n’avoir " aucun problème en général avec les athlètes jamaïcains ". En attendant, elle court, elle court, la rumeur.
Voir en ligne : MyFreeSport
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