Leslie Djhone, un 400 m en forme de combat
Publié le mercredi 22 août 2007 à 09h42min
A la veille de ses troisièmes championnats du monde, Leslie Djhone revient sur ses débuts tonitruants sur 400 m puis sa "grosse claque" aux championnats d’Europe en août 2006. Dans un entretien accordé à Reuters, l’élève de François Pépin, 26 ans, se livre avec sincérité avant son premier tour mondial sur 400 m, le mardi 28 août à Osaka. Les demi-finales mondiales sont programmées le mercredi 29 et la finale le lendemain.
Réputé comme très difficile, pourquoi avez-vous choisi le 400 m alors que vous étiez champion d’Europe junior de longueur et du relais 4 x 100 m en 1999 ?
Parce que tout ne se joue pas au départ. Au fil du tour de piste, on peut se refaire.
Quelle qualité première pour y réussir ?
Du courage ! Honnêtement si je l’avais démarré jeune, je l’aurais arrêté très vite. Pour l’entraînement peu ludique et dur, le courage m’aurait manqué. Tous les jours, vous savez que vous allez y souffrir. D’ailleurs, la souffrance endurée rapporte plus que le travail.
A quoi comparer un coureur de 400 m ?
A un boxeur, conscient qu’il va en prendre plein la tête, qu’il continuera malgré tout à avancer, à avancer.
Pouvez-vous nous décomposer votre tour de piste ?
Les cent premiers mètres sont une rampe de lancement. Dans la ligne droite opposée, vous devez être relâché afin de cultiver votre vitesse et griller le moins de jus possible. La plus agréable, cette portion offre une vue dégagée idéale pour jauger vos rivaux.
Après, les ennuis commencent ?
A mi-chemin, il faut relancer. Selon votre état de forme, ça passe ou ça casse.
Et les 150 derniers mètres, c’est...
Sauve-qui-peut ! A la sortie du virage, l’arrivée semble au bout du monde. S’il vous reste du jus et du courage, ça va encore. S’il vous reste un seul des deux, ça se corse. S’il ne vous reste rien, ça sent d’autant la misère qu’il y a alors toujours des mecs vous dépassant comme des avions !
Quel moment préférez-vous dans la course ?
L’arrivée : la délivrance ! Il est impossible de la passer "clean". Mais, le pire est en début de saison.
Votre pire 400 m ?
Göteborg, la finale européenne en 2006 : le pire moment de ma carrière ! Les jours précédents, j’étais noué, juste capable d’avaler des bananes. Dans la chambre d’appel, j’étais cuit, lessivé.
Pourtant, vous gagnez la médaille de bronze en 45"40, votre première médaille individuelle internationale
Comme avant la finale mondiale en 2003, j’étais sans jambes à l’échauffement. Mais à Paris, même si mes genoux jouaient aussi des castagnettes avant le départ, le stress me les avait rendues juste avant le coup de start. A Göteborg, le seul jus que j’avais, je l’ai mis dans l’échauffement. Avant le coup de start, j’ai senti le calvaire arriver. Après, au bout de 200 m, j’étais à la rue. J’ai sauvé les meubles avec ma tête.
Comment l’expliquez-vous ?
Arrivé avec la meilleure performance européenne de l’année en 44"91, je me suis collé trop de pression. Avant le départ, j’ai couru cette finale quinze fois dans ma tête. A l’heure "H", je n’ai pas su saisir ma chance. Je n’ai pas eu assez confiance en moi. Pis, je l’ai laissé trop paraître. Donc, j’ai pris une grosse claque.
Un an après, quel est votre bilan ?
En athlé, tout m’est arrivé facilement, trop sans doute. Tel un enfant gâté, j’ai ensuite voulu tout et tout de suite. Cette impatience m’a pénalisé. Je n’ai pas pris assez mon temps pour courir vite. Par exemple, j’ai trop souvent mis trop d’énergie dans mon premier 200 m.
Que représentent les Mondiaux à Osaka ?
Une grosse répétition, un filage avant Pékin où j’irai alors pour une médaille individuelle. A Osaka, je devrai être au top de ma forme.
Vous souvenez-vous de votre premier 400 m ?
En 2001, lors d’un meeting en 47" sans y mettre trop de volonté par peur de me faire mal. En 2002, j’en ai recouru un autre en 46"32 : là, je m’étais livré et j’avais vu l’ampleur de la tâche. Comme un coureur de 200 m, j’étais parti à fond sans doute un peu pressé d’en finir. Je ne vous dis pas les cent derniers mètres, j’ai mis longtemps à m’en remettre, au point de ne plus jamais vouloir y remettre les pieds.
Toutefois aux Mondiaux en 2003, vous êtes cinquième ?
Depuis longtemps, on me disait que j’étais "un coureur de 4". Mais voyant la tête des mecs pendant et après les entraînements, je refusais d’y aller. Puis, je me suis laissé persuader. J’avais des qualités évidentes même si je ne savais pas les gérer. Je savais que c’était une course d’expérience. Enfin, avant l’arrivée de Jeremy Wariner !
En 2004, vous battez le record de France en 44"64. Avec quelle sensation ?
Que rien ne pouvait m’arrêter : j’étais facile dans la dernière ligne droite, pas cuit. Depuis, je cours toujours après cette sensation.
Voir en ligne : Reuters
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