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Olusoji Fasuba, un sprinteur en recherche de piste d’envol


Publié le vendredi 24 août 2007 à 11h01min

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C’était le grand débat de la délégation française avant les championnats du monde : pour s’adapter au climat d’Osaka, pour encaisser le décalage horaire, les athlètes devaient-ils arriver une ou deux semaines avant la compétition ? Au moins est-ce une chance d’avoir le choix. Après que le dernier français avait finalement posé le pied en terre japonaise, Olusoji Fasuba, roi (nigérian) du sprint africain pointait encore à l’ambassade du Japon d’Athènes, pour se faire délivrer un visa.




Sans billet ni aucune assurance sur le jour de son arrivée à Osaka. Il n’est d’ailleurs arrivé que mardi dernier, quatre jours avant de s’élancer sur l’épreuve du 100 m (demain). Que Fasuba, champion d’Afrique, récent vainqueur des Jeux africains et détenteur du record d’Afrique de l’épreuve (9"85), bataille avec la paperasse à une semaine d’une telle échéance étonnera tout le monde, mais pas lui.

Course à handicap

A 23 ans, sa vie d’athlète l’a déjà accoutumé aux galères en tout genre, avec en toile de fond, l’absurde administratif et la précarité financière. Fasuba, comme d’autres athlètes africains, est la preuve qu’un championnat du monde d’athlétisme est une course à handicap : si tous s’élancent de la même ligne, certains athlètes partent de plus loin que les autres. Au départ, du côté des gènes, Fasuba n’a pas à se plaindre : il naît (en Jamaïque, mais il en est parti à quelques mois) d’une mère qui a pour cousin Don Quarrie, double médaillé olympique en 1976 (or sur 200 m, argent sur 100 m). « Le sprint a toujours été quelque chose d’important dans la famille. Mes parents m’ont encouragé à fond. Mon frère était doué, mais il a arrêté. Moi je continue, parce qu’avec l’aide de Dieu, je crois que je peux réussir beaucoup de choses ». Avec l’aide de Dieu, mais en dépit de l’absence de toute autre sollicitude.

« C’est très difficile d’être un athlète au Nigeria, parce que nous sommes très peu soutenus ». Très tôt, Fasuba s’est mis en tête de dégotter un manager européen. En 2003, le sprinteur, qui n’a pas vingt ans, profite des championnats du monde de Paris pour séjourner un peu en Allemagne. Dès l’année suivante, le voilà dans les mains d’un manager allemand. Il passe plus d’un an dans la petite ville d’Heidelberg, logeant dans un appartement avec cinq autres athlètes, et courant en dépit du bon sens. « A la fin de l’année, je n’ai ramené que 3000 euros. Et puis, nous avions sans cesse des problèmes administratifs, puisque je n’avais pas de permis de résidence ». A cette époque, Fasuba (désormais managé par une société italienne) n’a toujours pas d’entraîneur. Le forum de l’IAAF porte encore les traces d’un message qu’il écrit alors : « Je suis un sprinteur, et je serai content qu’un coach s’occupe de moi ».

Privé de visa

C’est à Bruxelles, un an après la petite annonce, qu’il finit par croiser par hasard Pierre-Jean Vazel, jeune coach français. Vazel étant aussi désargenté que Fasuba, les deux hommes collaborent depuis essentiellement par correspondance. Fasuba s’entraîne une partie de l’année à Owerri dans le sud du Nigeria, l’autre à Athènes, où il a accès au stade grâce à Vazel, qui coache par ailleurs un sprinteur grec. « C’est évident que je serais beaucoup mieux à Paris avec mon coach, mais en Grèce, le loyer est modique, et je n’ai pas de quoi payer un déménagement et un loyer en France ». Fasuba, qui affiche par exemple de meilleures références chronométriques que la star française du 100 m Ronald Pognon (également coaché par Vazel, dont le record est de 9"99), touche deux fois moins que le Français pour s’aligner en meeting et environ dix fois moins de son sponsor. Classé dans les dix meilleurs athlètes mondiaux de sa discipline, il bénéficie d’une maigre bourse annuelle de 3000 euros versée par sa fédération.

Pour ne rien arranger, les visas, formalités pour les Européens, sont pour les Africains de précieux sésame qui s’obtiennent avec moult effort et souvent du retard. Et qui parfois ne s’obtiennent pas. Fasuba, l’an passé, s’est vu privé plusieurs fois de visas. Et donc de meeting. Et donc de pitance. L’ensemble explique pourquoi le jeune Fasuba s’est entiché récemment du rêve de troquer sa nationalité contre une autre (espagnole). Rêve commun à beaucoup.

Lors des derniers Jeux du Commonwealth à Melbourne, un sprinteur et une sprinteuse nigérians s’étaient fait la malle. Les cas les plus célèbres sont ceux de la hurdleuse-sprinteuse Glory Alozie (désormais espagnole) et Francis Obikwelu, qui profita, à 16 ans, des championnats du monde junior de Lisbonne pour y rester. Sans papier, il travailla d’abord sur les chantiers avant de devenir le premier sprinteur portugais médaillé dans un grand championnat. Il est aujourd’hui une star multisponsorisée.

L’an passé, Fasuba déclara à la BBC en 2006 : « Si je trouve un bon pays, je partirai ». Sauf que l’IAAF a mis un tour de vis pour éviter les « trafics » de nationalité qu’elle condamne : désormais, les transferts sont punis de trois ans d’interdiction de compétitions internationales. « Olusoji aurait dû renoncer aux JO de Pékin et aux championnats du monde suivants » dit Vazel. Cela inspire ceci à Fasuba : « Je trouve cette règle très dure, et je crois qu’elle tue la carrière de certains athlètes. Ceux qui sont bien traités chez eux ne veulent pas partir. Partent ceux qui ont des problèmes. Et si un athlète veut rejoindre un pays prêt à lui donner les moyens de travailler, ses performances vont s’améliorer ». Résigné, Fasuba a traîné en juillet son spleen jusqu’aux Jeux africains à Alger, où il a gagné, mais où son manque d’enthousiasme patriotique a suscité une polémique monstre au Nigeria. Vainqueur du 100 m, Fasuba a été accusé d’avoir refusé de brandir son drapeau national pour un tour d’honneur. Il s’en est sorti en affirmant, sans convaincre personne, que le drapeau était arrivé trop tard.


Voir en ligne : Liberation

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