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« Panpan » Fusil, la foulée du siècle

Publié le mercredi 1er août 2007 à 11h20min

La Seconde Guerre mondiale a brisé l’élan de Jean Fusil mais n’a pu voler les souvenirs du plus vieux sprinter français qui garde précieusement, à 89 ans et demi, un mental de jeune fonceur.

A la veille des championnats de France dont son bon oeil ne perdra pas un mètre à la télévision, Reuters a retrouvé dans le Lot la piste de celui que l’on surnommait "Panpan" au temps de sa splendeur. Si sa mémoire a toujours 20 ans, son oreille gauche est "sourde comme un tapis" et ses jambes sont à bout de souffle.
"A 80 ans, j’ai fait un oedème aux poumons. Avec mes six de tension, on m’a cru perdu. Un médicament m’a sauvé le coeur mais m’a pris les jambes".

"Aujourd’hui, pour faire 100 mètres, je mets quatre minutes avec ma canne et en plus, j’arrive essoufflé". Avant guerre, "Panpan" courait le 100 m en 10"60 aux Interrégionaux "sur herbe à Tarbes" et le 200 m en 22"10 en demi-finales des "France" à Bordeaux, "sur cendrée". Né le jour de la Saint-Valentin 1918 dans le château de sa mère à Soucirac, ce solide gaillard bâti pour être basketteur vit toujours dans son village. "Juste derrière le sentier où je m’entraînais", confie-t-il.

En savates

A 18 ans, ce joueur de tennis suit de loin les jeux de Berlin. Un jour, à la sortie d’un court, il relève un défi de potaches sur 100 mètres. En savates, il l’emporte "avec huit mètres d’avance sur les spécialistes". Deux ans plus tard, en 1938, Jean Fusil honore sa première sélection internationale aux championnats d’Europe à Paris dans la foulée d’un aller-retour en train-couchettes aux championnats du monde universitaires à Monaco.
"En finale sur 100 m, alors largement en tête, je me claque. A l’époque, nous n’étions pas chouchoutés comme maintenant. Ignorant l’échauffement et l’étirement, nous étions très souvent victimes de claquages", se souvient-il.

"Nous n’avions pas d’entraîneur, pas de kiné, juste deux visites annuelles à l’Institut National du Sport". Ne s’entraînant que deux fois par semaine, il n’en décroche pas moins trois places de troisième aux championnats de France. Sur les photos, "Panpan" se reconnaît facilement à ses deux index toujours dressés vers la ligne d’arrivée "dès le départ et tout au long de la course".

Carrière brisée

Jean Fusil brillera "à Amsterdam, le 13 août 1939, avec le record de France sur le 4 x 100 m en 41"30, toujours chronométré au dixième". Ce sera sa dernière ligne droite internationale. Les jeux olympiques prévus à Helsinki en 1940 s’effacent devant la guerre qui gronde. "Et qui cassera ma carrière", peste-t-il. Mobilisé le 15 septembre 1939 dans l’armée de l’air, Jean Fusil remise ses pointes en quittant Paris, "le 12 juin 1940, après avoir passé la nuit sur les pavés de la gare d’Austerlitz".

D’avril à octobre 1943, il sera même porté disparu dans le maquis. Cassé par cet "interlude de trois ans", la force lui manquera pour tenter une carrière promise dorée sur 800 m. Après guerre, Jean Fusil devient enseignant à l’Institut National du Sport puis, journaliste au "Figaro" et chef de poste à "Sud Ouest".

Il court toujours

Avec sa foulée de globe-trotter, il boucle trois tours du monde, signe à "L’Equipe", pige pour le "Populaire", côtoie Gaston Meyer et Jacques Goddet puis rattrape le Concorde, à bord duquel il est l’un des premiers à monter avant de lui consacrer un livre. Aujourd’hui, aucun centième grignoté au temps, aucun centimètre griffé dans les airs ne lui échappent. Sans relâche, sa passion suit les foulées de ses successeurs :
"Dès qu’il y a de l’athlétisme retransmis, je suis devant mon poste. Je suis passionné intérieurement. Ainsi, je cherche à cacher ma décrépitude. La grande vieillesse est épouvantable".

Face à cet athlétisme "d’un autre monde" et plus guère humain, Jean Fusil n’est pas dupe :
"Certains chronos sont impossibles sans dopage. Chez nous, il n’avait pas cours. Avant la course, on nous filait des boulettes de sucre roulées dans la farine.
"Moi, je n’ai jamais gagné un rond. Sauf un jour où j’ai pu repartir avec un jeu de pneus pour ma Citroën B12. A l’époque, je courais même plus vite qu’elle. Aujourd’hui, remise en état, elle pourrait se venger parce qu’elle roule encore du côté de Rodez", rigole-t-il espérant la recroiser un jour.

Lâché par ses potes à pointes montés au ciel, Jean Fusil se souvient avec une précision millimétrique de chacun ; de leurs prénoms, noms, chronos, foulées, épouses et derniers soupirs, comme celui de René Valmy, "mort en mangeant sa soupe". Dans son coeur, ses souvenirs se bousculent encore et encore. La nuit, sa passion lui redonne ses ailes :
"En bon état, il me reste mes yeux. Ouverts, ils me permettent de courir le monde à travers les médias. Fermés, ils me permettent de courir".
"Quand je somnole ou quand je rêve, je cours, je cours... je me vois courir, courir.
"Je ne sais pas où mais, une chose est sûre, je cours toujours..."


Voir en ligne : Reuters


Janvier 1945. Le premier “état major” de l’INS pose autour d’Elie Mercier. A la droite du tout nouveau directeur, Maurice Baquet, directeur technique, le docteur suisse Paul Martin, médaillé olympique sur 800 mètres, Roger Rochard et un représentant du ministère. A sa gauche Jean Fusil, Igounet, Yvonne Martin Fleury. De gauche à droite au 2e rang on entrevoit Jacques Dudal, puis Menelas, Joseph Maigrot, Joël Fleury, Roger Debaye, André Gardien, René Soulier, Georges Verraux, Paul Bockel et Lucien Guiller.

Portfolio

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