Un marathonien chez Nike
Publié le jeudi 9 décembre 2004 à 12h37min
« Just do it ! », clame le slogan de la marque à la virgule. Il n’aura pourtant pas été facile de trouver un successeur à Philip Knight, légendaire patron-cofondateur de Nike. Cela faisait pratiquement deux ans que le numéro un mondial de l’équipement sportif s’était mis à la recherche d’un remplaçant. C’est finalement, William Perez, 57 ans, patron du fabricant américain de produits d’entretien SC Johnson, qui lui succédera à la tête de la firme basée à Portland, dans l’Ouest des Etats-Unis.
Qui est William Perez ?
Originaire d’Akron, dans l’Ohio, ce diplômé de l’université de Cornell, également formé à une école de management international, a passé 34 ans chez SC Johnson, dont il est devenu le patron en 1999. Grâce à lui, avec des marques comme Pledge et Shout, SC Johnson est présent dans 70 pays, emploie 9500 personnes et vend des produits dans une centaine de territoires à travers le monde. Disposant d’une bonne connaissance des marchés internationaux ainsi que des opérations de fusion et acquisition, il est également administrateur du groupe de céréales Kellogg’s et du distributeur May Department Stores.
Son style de management ?
Plutôt coureur de fond que sprinter. Ses proches collaborateurs le décrivent d’ailleurs comme un homme abordable, plutôt modeste. Marié et père de deux enfants, amateur de cigares et des thrillers de Robert Ludlum, c’est aussi un citoyen impliqué. Sa politique sociale chez SC Johnson a d’ailleurs été remarquée. Une association homosexuelle lui a notamment remis un prix pour sa politique d’embauche, facilitant le recrutement de minorités. Bref, on l’aura compris, William Perez est un gars « bien dans ses baskets ».
Ce n’est sans doute pas un hasard si Nike a jeté son dévolu sur cet homme affable, extérieur au groupe et à l’industrie du sport. L’une de ses missions chez Nike consistera justement à redorer un blason terni dans les années 90 par des accusations portant sur ses méthodes de fabrication faisant appel notamment au travail des enfants dans les pays pauvres. A cet égard, le célèbre cinéaste américain Michael Moore avait d’ailleurs pris à partie Philip Knight sur ce sujet lors d’une interview, dans l’un de ses films.
A présent, la firme US fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de nouvelles attaques et renforcer son image d’entreprise consciente de ses responsabilités sociales. La démission, le 28 décembre prochain, de Philip Knight, qui abandonnera ses fonctions opérationnelles tout en demeurant président du conseil d’administration, devrait contribuer à tourner la page.
Mais la légende, elle, restera.
C’est en 1972 que Philip Knight, aujourd’hui âgé de 66 ans, fonde avec l’entraîneur d’athlétisme de l’Université de l’Oregon Bill Bowerman, décédé en 1999, une petite entreprise spécialisée dans les chaussures de sport légères, Blue Ribbon Sports. Une petite affaire qui a fait du chemin depuis que Philip Knight vendait au cours de ces premières années des chaussures de sport stockées dans le coffre de sa voiture. Rebaptisée Nike en 1972 (du nom de la déesse ailée de la victoire dans la mythologie grecque), la société s’est peu à peu hissée au premier rang mondial des fabricants de vêtements et d’articles de sport. Aujourd’hui présente dans 200 pays, elle génère avec un chiffre d’affaires annuel de $ 12,4 milliards et emploie 24000 salariés à travers le monde.
La recette de ce succès ?
C’est Philip Knight lui-même qui en a la paternité : une fabrication entièrement sous-traitée dans des pays à bas coûts de main d’œuvre, un marketing intense ( agressif diront certains ), et le sponsoring coûteux de stars du sport international comme l’ancien basketteur Michael Jordan, le golfeur Tiger Woods, la joueuse de tennis Serena Williams, le footballeur brésilien Ronaldo, les populaires équipes de football d’Arsenal et de Manchester United.
Résultat : en 2003, la firme s’est même emparée de son concurrent Converse pour la coquette somme de $ 300 millions.
C’est donc une multinationale bien installée que va cornaquer William Perez. Ce fin connaisseur du secteur de la distribution devra toutefois relever deux défis de taille : contrer l’influence grandissante de son rival allemand Adidas et s’imposer sur des marchés peu développés pour compenser une progression qui marque le pas aux Etats-Unis.
A cause de Reebok notamment, qui s’appuie sur de juteux contrats marketing signés avec les célèbres National Football League et National Basketball Association. Reste que pour relever le gant, le nouveau patron de Nike dispose d’un sérieux atout. Il sait vendre son image de sportif accompli, tout converti qu’il est à la marque au sigle « swoosh ». S’il a derrière lui 34 ans passés chez SC Johnson, William Perez a onze marathons à son actif et porte uniquement des vêtements estampillés Nike.
Depuis 27 ans... De quoi perpétuer la légende !
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