JO 2012 : Le CIO délibère

Au départ, neuf villes avaient manifesté leur désir d’organiser les jeux olympiques d’été de 2012. Un groupe de travail du comité international olympique (CIO) a séparé le bon grain de l’ivraie entre juillet 2003 et mai 2004. Jugées trop faibles ou incertaines, les candidatures de Leipzig, Rio de Janeiro, Istanbul et La Havane ont été écartées. Cinq villes restent donc dans la course. Et non des moindres : Paris, Londres, New York, Madrid et Moscou.
De l’avis général, le plateau le plus relevé de l’histoire des jeux. Volley-ball de plage au pied de la tour Eiffel, tournoi de tennis dans l’enceinte légendaire de Wimbledon, stade olympique dans Manhattan (un projet toutefois abandonné depuis)... En théorie, les candidatures offrent toutes une vitrine exceptionnelle au mouvement olympique.
Chacune de ces mégapoles déploiera cette semaine une armée d’une centaine de représentants, relationnistes et autres spin doctors dans les couloirs du Raffles City Convention Centre de Singapour, où a lieu la 117 ème session du CIO. Leur mission : convaincre les 116 membres du comité de leur accorder, au cours du vote de mercredi, le privilège d’organiser les jeux de la XXX ème olympiade.
« Pour l’amateur de sport, voir les villes vanter leurs mérites est l’un des plus grands spectacles qui soient », dit en riant le torontois Paul Henderson, membre du CIO de 2000 à 2004 et architecte de la candidature de la ville reine pour les jeux de 1996, finalement adjugés à Atlanta. « Je me réjouis déjà de pouvoir jeter un regard extérieur sur tout ça cette fois-ci, en me payant la tête de tout le monde ».

Du monde, il y en aura. Et du beau. Le président français, Jacques Chirac, a confirmé sa présence. Il sera là le jour du vote, même s’il doit repartir dès la fin de la présentation parisienne afin de se rendre au sommet du G8, à Gleneagles. Son hôte en Écosse, Tony Blair, aura quitté Singapour quelques heures plus tôt après avoir fait sa part pour Londres aux côtés de la vedette de soccer David Beckham et de la légende du demi-fond Sebastian Coe, président du comité de candidature londonien. Muhammad Ali et le maire Michael Bloomberg seront là pour défendre New York, tandis que le roi Juan Carlos viendra faire contrepoids pour Madrid à la présence au CIO de la princesse Anne d’Angleterre.
Mr Henderson, lui, sera à Singapour à titre de membre de la commission d’évaluation du CIO. Présidée par l’ancienne championne olympique marocaine Nawal el Moutawakel, la commission a visité les cinq villes candidates au cours de l’hiver. Elle a produit au début du mois de juin un volumineux rapport qui semble placer Paris et Londres devant Madrid et New York, et loin devant Moscou, qui s’est fait reprocher la « planification insuffisamment détaillée » de son dossier de candidature.
Mais Paul Henderson (aucun lien avec l’ancien joueur de hockey) met en garde ceux qui seraient tentés de déceler dans ce rapport, au demeurant fort sibyllin, un quelconque présage du résultat du scrutin de mercredi. « Le dossier technique ne fait pas gagner d’élections au CIO », dit cet ancien président de la fédération internationale de voile. « Si c’était le cas, Toronto aurait remporté les jeux de 1996 et de 2008 (qui auront finalement lieu à Pékin), car nous avions le meilleur dossier les deux fois ».
Tout au plus le rapport de la commission d’évaluation aide-t-il certains membres du CIO à se faire une idée de la valeur des candidatures. Les bookmakers ont beau avoir arrêté leur choix (selon la maison britannique William Hill, Paris est favori à 2 contre 1, devant Londres (3/1), Madrid (16/1), New York (25/1) et Moscou (100/1)) la compétition va se jouer à la photo d’arrivée, croit Mr Henderson.
« C’est comme si on essayait de déterminer si les blondes sont plus belles que les brunes. Les candidatures sont toutes excellentes. Chacune des cinq villes est capable d’organiser les jeux. Je ne miserais pas le moindre cent sur aucune d’entre elles tant le résultat du vote est imprévisible. S’il y a une course serrée, c’est bien celle-ci ».

Sports en danger

L’élection de la ville hôtesse des jeux de 2012 n’est pas le seul sujet important à l’ordre du jour du CIO cette semaine. Le comité a décidé en 2002 de limiter à 28 le nombre de sports inscrits au programme. Or, pour la première fois depuis que le polo est passé à la moulinette, en 1936, le CIO va examiner vendredi la possibilité d’éliminer des sports pour en intégrer de nouveaux. Le squash, le karaté, le roller, le golf et rugby à sept cognent présentement à la porte. Chacun des sports actuels fera l’objet d’un vote de la part des membres. Ceux qui n’obtiendront pas au moins 51 % des suffrages subiront le couperet.
Pour éclairer leur décision, les membres du CIO pourront compter sur le rapport de la commission du programme olympique, rendu public le 13 juin. Le rapport évalue chaque sport sur la base de critères allant des ventes de billets aux cotes d’écoute en passant par la couverture dans la presse, le nombre de fédérations nationales et le coût des sites aux jeux olympiques.
Personne ne sera surpris d’apprendre que le pentathlon moderne est un tantinet moins populaire que le soccer. Ni que les prétentions de la balle-molle à l’universalité sont légèrement moins crédibles que celles de l’athlétisme. Est-ce à dire que les membres du CIO, réputés pour leur conservatisme, vont actionner la guillotine ? Rien n’est moins sûr, surtout si le CIO revient sur sa décision de tenir un vote secret. Mais attendez-vous à quelques jours de lobbyisme intense de la part des fédérations les plus menacées. Je vous en parle en direct de Singapour à compter de lundi.

Le vote

La ville hôtesse des jeux olympiques de 2012 sera élue le 6 juillet à la 117 ème session du CIO, à Singapour. Le vote s’effectue par bulletin secret. Il se déroule en plusieurs tours jusqu’à ce qu’une ville obtienne la majorité absolue.
Dans l’éventualité où aucune ville n’obtiendrait la majorité lors du premier tour, la ville ayant récolté le moins de voix sera éliminée. Les membres voteront alors pour les villes restantes. En cas d’égalité, un vote supplémentaire sera organisé pour déterminer quelle ville peut accéder au tour suivant.
Les membres du CIO doivent s’abstenir de voter s’ils proviennent d’un pays dont une ville est en lice. Jacques Rogge a décidé de s’abstenir. Au total, 100 membres sur 116 voteront.
Les médias pourront assiter aux votes grâce à la télévision en circuit fermé. Le vote se fera au moyen d’un dispositif électronique.