Mondiaux : La France pour un record à l’extérieur

"Il y a encore peu de temps, on pouvait compter sur quatre à cinq athlètes potentiellement médaillables. Aujourd’hui, nous pouvons raisonnablement tabler sur huit à dix", se réjouit Franck Chevallier, le directeur technique national (DTN). Ladji Doucouré (22 ans) et Eunice Barber (30 ans) symbolisent cette équipe de France "new wave", qui conjugue désormais expérience et jeunesse. Ils détiennent avant ces 10 èmes mondiaux, les meilleures performances mondiales de la saison, respectivement sur 110 mètres haies (12"97 secondes) et à l’heptathlon (6889 points).
Ils constituent avec les deux bombes du sprint, l’expérimentée Christine Arron (31 ans) et le chien fou Ronald Pognon (22 ans), Mehdi Baala sur 1500 m, Manuela Montebrun au marteau et Naman Keita sur 400 m haies, les locomotives d’un athlétisme tricolore qui, si tout lui sourit, pourrait rééditer ses huit médailles conquises en 2003, lors des championnats du monde de Saint-Denis, "à domicile". Cette équipe conquérante entend aussi faire oublier les JO d’Athènes où l’an dernier, seul Keita avait pu monter en individuel sur le podium, avec son bronze conquis de haute lutte sur les haies basses. Les athlètes avaient "relâché la pression" induite par 2003, avait avancé comme explication Robert Poirier, l’ex-DTN.

Bernard Amsalem, le président de la fédération française d’athlétisme, espère que les 52 sélectionnés ramèneront cinq médailles. Il a nommé ses favoris : Arron (100 m), Doucouré, Eunice Barber (heptathlon et aussi longueur), Montebrun et Baala. Le relais 4x400 m masculin champion du monde devrait être dans le coup, alors que le 4x100 féminin, sur le podium mondial sans interruption depuis 1997, sera attendu malgré les soubresauts qui le traversent.
Outre ses locomotives, la France possède aussi de bons wagons : 16 performances françaises figurent en effet cette saison parmi les huit meilleures mondiales dans les différentes disciplines, alors qu’on était seulement à neuf meilleures performances mondiales tricolores dans les huit avant 2003. Karl Taillepierre devenu à Angers en juillet champion de France du triple saut avec 17,45 mètres, figure parmi ces wagons de poids. Sa performance est l’une des cinq meilleures de l’année, et il pourrait battre en Finlande le vieux record de France de Serge Hélan, ses 17,55 réalisés en 1994 à... Helsinki.

Vanessa Boslak, qui à Angers a porté le record de France de la perche à 4,60 mètres, symbolise la jeunesse triomphante de l’athlétisme français. Elle a fait partie des six tricolores médaillés lors des championnats du monde junior de Santiago du Chili en 2000, dont certains "cassent la baraque" désormais au sein de l’élite. Ainsi Doucouré, qui est devenu le premier français sous les 13 secondes au 110 m haies et a battu à Saint-Denis le champion olympique Liu Xiang et le champion du monde Allen Johnson. Ou encore Pognon, premier français sous les 10 secondes au 100 m (9"99).
Bien équilibrée entre jeunesse triomphante et vieille garde toujours verte (à preuve, Jean Galfione et ses 34 ans), l’équipe de France annoncée "propre" par Bernard Amsalem, pourrait bénéficier de la lutte intense engagée contre le dopage. L’américaine Marion Jones, ex-reine du sprint et de la longueur, suspectée de dopage, ne s’est pas qualifiée pour Helsinki, alors que Kelli White, la double championne du monde 2003 des 100 et 200 m, purge une suspension de deux ans.

Les athlètes devraient aussi bénéficier d’une exceptionnelle ferveur populaire, pour se dépasser dans un stade olympique d’Helsinki mythique, inauguré en 1938 et qui a abrité les JO en 1952. La légende dit que la hauteur de sa tour si particulière (72 mètres) a été choisie pour rendre hommage à Matti Järvinen, devenu champion olympique du javelot à Los Angeles en 1932, après un jet à... 72,71 mètres. Plus sûrement, les 40000 spectateurs de cette enceinte historique à la piste rénovée, suivront les compétitions en passionnés, puisque c’est en Finlande que sont nées bon nombre de disciplines de l’athlétisme, notamment les lancers. A l’entrée du stade veille en sentinelle la statue de Paavo Nurmi, l’un des quatre athlètes à avoir remporté neuf médailles d’or olympiques.
Les français auront enfin à coeur d’effacer un mauvais souvenir. Car c’est à Helsinki, lors des premiers championnats du monde, organisés en 1983, qu’ils étaient revenus "capot" pour la seule et unique fois de leur histoire.