Chpts du Monde d’athlétisme 2025 : Le marathon, une passion japonaise

Quand le Japon fait du marathon une passion nationale
Au Japon, le marathon n’est pas une simple discipline olympique parmi d’autres. Il est au cœur d’une véritable culture populaire. Le pays a découvert cette épreuve moderne dès le début du XXe siècle, à une époque où l’athlétisme se structurait à l’échelle mondiale. La participation de coureurs japonais dès les Jeux olympiques de Stockholm en 1912 a jeté les bases d’une longue tradition, marquée par des figures emblématiques comme Shizo Kanakuri, considéré comme le « père du marathon japonais ». Depuis lors, chaque génération a entretenu cet héritage, jusqu’à faire de la course de fond un sport de masse, pratiqué par des millions de Japonais et regardé par des téléspectateurs de tout âge.

Un siècle d’histoire et de ferveur populaire
L’unicité du rapport entre le Japon et le marathon s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la dimension culturelle de l’endurance, profondément ancrée dans une société qui valorise l’effort long, la patience et la persévérance. Le marathon est devenu un miroir des valeurs japonaises : le dépassement de soi, le respect de l’adversaire et la recherche d’une discipline de vie. Cette passion s’est amplifiée avec les grands succès internationaux, comme les médailles remportées par des athlètes nippons aux Jeux olympiques et championnats du monde. Elle s’est aussi nourrie de récits populaires, comme celui de Kanakuri, resté célèbre pour avoir mis 54 ans à terminer le marathon olympique de 1912 après une interruption forcée. Chaque école, chaque université, chaque entreprise a peu à peu encouragé ses membres à courir, transformant le marathon en un objet collectif.

Aujourd’hui, au Japon, pas un grand événement de course sur route, qu’il s’agisse du marathon de Tokyo, de Fukuoka ou d’Osaka, ne se déroule sans attirer des foules considérables sur le bord des trottoirs comme devant les écrans de télévision. À la différence de la plupart des autres nations, les retransmissions sont suivies par des millions de téléspectateurs, avec des taux d’audience dépassant parfois les grands matchs de football ou de base-ball. Aucun autre peuple au monde ne manifeste une telle intensité d’attention et de ferveur autour du marathon.

Les Ekidens, colonne vertébrale de la course japonaise
Mais pour comprendre la vitalité exceptionnelle du marathon au Japon, il faut se tourner vers une pratique qui structure tout l’écosystème de la course de fond dans l’archipel : les ekidens. Ces courses de relais sur route, très populaires depuis leur invention en 1917, sont devenues la pépinière de tous les grands marathoniens japonais. Universités et entreprises organisent leur propre ekiden, et la télévision diffuse avec passion les plus prestigieux, comme le Hakone Ekiden chaque début d’année, suivi par des dizaines de millions de téléspectateurs.

Dans ces compétitions, chaque coureur porte un sash, une écharpe-transmetteur, qu’il passe au coéquipier suivant dans un rituel où se mêlent esprit collectif et performances individuelles. C’est ici que se forment les futurs champions, que s’affinent les stratégies d’endurance et que se construit l’esprit de persévérance propre au marathon japonais. L’ekiden constitue ainsi un modèle unique au monde, qui façonne le vivier de marathoniens de haut niveau et garantit la relève générationnelle. Aucun autre pays n’accorde une telle importance à ces relais, et cette originalité explique en grande partie la densité des coureurs nippons de haut rang.

Tokyo 2025, l’aboutissement d’une tradition
L’épreuve de dimanche inscrira un nouveau chapitre dans cette longue histoire. Les Championnats du monde d’athlétisme, qui reviennent au Japon après les éditions marquantes de Tokyo 1991 et d’Osaka 2007, offrent une scène d’exception aux marathoniens de la planète. Le parcours, tracé à travers les quartiers emblématiques de la capitale, mettra en valeur à la fois l’héritage et la modernité du pays hôte. Les spectateurs attendus par centaines de milliers masseront les artères de la ville, confirmant une fois encore que le Japon demeure la terre d’élection du marathon. Pour les athlètes japonais engagés, ce sera aussi l’occasion de porter haut les couleurs d’un peuple qui vit la course de fond comme une affaire nationale.

Un peuple, une course, une identité
À la veille de cette grande confrontation sportive, un constat s’impose : aucun autre pays n’a tissé un lien aussi intime avec le marathon que le Japon. Du souvenir de Kanakuri aux exploits récents de coureurs contemporains, en passant par la ferveur des ekidens retransmis en direct, le marathon est devenu l’un des miroirs les plus puissants de l’identité japonaise. Chaque foulée des coureurs de Tokyo 2025 prolongera ce siècle de passion, sous le regard attentif d’un peuple qui, plus que tout autre, sait célébrer l’endurance et l’effort collectif.