Toute l’actualité des Marathons et de l’Athlétisme
vous etes ici : Accueil » Athlétisme » Interview de Renaud Longuèvre, coach de Doucouré

Interview de Renaud Longuèvre, coach de Doucouré


Publié le lundi 18 juillet 2005 à 13h26min

agrandir

Renaud Longuèvre, coach de Doucouré, détaille la méthode qui a mené son athlète à réaliser 12’’97 au 100 m haies :
« Il ne faut pas se fixer de limites »




Renaud Longuèvre entraîne Ladji Doucouré depuis neuf ans. Il revient sur la démarche que les deux hommes ont mise en place et qui a permis au coureur d’être le premier Français à passer sous les 13 secondes au 110 m haies.

- Doucouré a commencé par le décathlon. Pourquoi ?

J’étais entraîneur de saut à la perche quand je l’ai rencontré. Il n’avait que 13 ans, mais une attention rare à son âge. Dès les cadets, je suis devenu son coach à plein temps. Moi, je privilégie les épreuves combinées afin de développer vitesse, endurance et détente. Le décathlon permettait en outre de lui donner un maximum de billes pour choisir ensuite sa discipline. En faisant de la musculation lourde, il aurait pu progresser plus vite, mais on préférait le voir franchir des paliers et éviter qu’il « s’explose » à 17 ans.

- Quel plan de travail avez-vous mis en place ?

A la fin de sa dernière année de junior, en 2002, on a établi un plan de carrière jusqu’à ses 25 ans, car c’est l’âge moyen d’un champion olympique. Combien de mecs à ce moment-là se seraient cassés pour aller prendre du fric ! Lui a tout de suite intégré ce que je lui proposais. L’objectif était de participer aux Mondiaux de Saint-Denis, un an plus tard. On a fait le choix des haies, car c’est là où Ladji était le meilleur. En avril 2000, il faisait 13’’78 pour sa première course : record de France junior, alors qu’il n’était que cadet ! Bien sûr, il avait encore les défauts de son âge : le franchissement des obstacles n’était pas fluide, le cycle de course dans les intervalles hésitant... En plus, il commençait à souffrir des adducteurs à cause des lancers, où il n’était d’ailleurs pas très performant. Après les Mondiaux, je l’ai inscrit en Golden League. Il ne pouvait progresser qu’au contact du plus haut niveau. Aux JO d’Athènes en 2004, Ladji a fait 13’’06 en demi-finale. Il était tout seul dès la troisième haie. En finale, il court comme un gamin qui fait la course avec ses potes et il chute. Depuis, j’essaie de lui faire comprendre qu’un couloir, c’est comme un tunnel. Il n’y a rien autour.

- Concrètement, comment s’est-il préparé ?

On commence en octobre par de l’analytique, en marchant. Puis on augmente progressivement la vitesse. En décembre, on travaille l’explosivité et les premiers appuis. Fin janvier, on bosse exclusivement sur les cinq premières haies, avant d’attaquer la saison en salle. L’intérêt, c’est d’atteindre une base de puissance maximale sur 20 mètres, puis de la faire durer jusqu’à la ligne d’arrivée. Mais Ladji ne sera jamais une Patricia Girard (médaille de bronze du 100 m haies aux JO de 1996, ndlr). Ses leviers osseux sont beaucoup trop longs pour cela. On a aussi revu sa position de tête au départ. Son sens visuel était trop en éveil. Il avait le regard à la hauteur des haies, ce qui entraînait chez lui une certaine passivité.

- Le résultat de vendredi montre qu’il est arrivé à maturité...

Aujourd’hui, les résultats de Ladji sont logiques, puisque depuis le 15 octobre 2004, aucune séance d’entraînement n’a été déprogrammée, et qu’il n’a eu aucune blessure. De surcroît, il a beaucoup progressé en musculation et ça, ça joue sur la puissance de ses appuis à la sortie des starting-blocks. Sa course de vendredi est certainement la plus accomplie techniquement. De toute façon, ses 13’’06 d’Athènes étaient devenus une base. Il ne nous restait plus qu’à savoir comment l’améliorer. Je suis un « optimisateur », qui défend l’idée que nous sommes à la préhistoire de l’athlétisme. En l’an 3000, on franchira 6 mètres à la perche dès les minimes ! J’utilise souvent cette image pour que mes gars comprennent qu’il ne faut pas se fixer de limites.

- Ce raisonnement peut être dangereux ?

Avec les affaires Balco et Kenteris-Thanou, j’aurai arrêté depuis longtemps l’athlétisme si je n’avais pas la certitude qu’on peut être au top proprement. Mais pour cela il faut sans cesse explorer toutes les possibilités d’entraînement licites. Par exemple, cela fait deux hivers que nous effectuons une tournée de quatre semaines dans les universités américaines. La tactique du « on protège nos athlètes, on les préserve », c’est fini ! Maintenant, il faut jouer la baston au maximum. Cela passe aussi par la thalassothérapie. Dès demain d’ailleurs, nous partons en stage à Saint-Malo avec un programme de curiste. Mais il ne s’agit pas non plus d’en faire un moine comme l’Américain Allen Johnson, couché tous les soirs à 21 heures. Ladji a conscience de l’aspect dérisoire du sport, par rapport au fonctionnement du monde. C’est ce qui fait aussi sa force. Et puis j’ai envie que Ladji ait une vie sociale.

Sur le même sujet

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?