La chaussure de sport toujours prête à rebondir
Publié le vendredi 1er juillet 2005 à 12h06min
Depuis Cendrillon, tout le monde sait qu’une chaussure n’est pas un accessoire comme les autres et qu’elle peut jouer un rôle considérable dans la destinée de certains personnages. Evidemment, un soulier ne permet pas tous les jours de retrouver l’homme ou la femme de sa vie. En revanche, dans certains domaines, notamment le sport, la chaussure a son importance.
Adaptée à la discipline pratiquée, elle peut optimiser les performances. Des esprits chagrins citeront sans doute quelques athlètes mythiques qui n’ont pas eu besoin de chaussures pour s’imposer dans les stades. L’Ethiopien Abebe Bikila, qu’on surnommait le "roi aux pieds nus", remporta le marathon aux Jeux olympiques de Rome en 1960, tandis que la coureuse de demi-fond sud-africaine Zola Budd décrocha le record du monde du 5 000 mètres sans semelles aux pieds. C’est vrai ou disons plutôt que c’était vrai. Aujourd’hui, il est impossible d’imaginer un sportif sans sa paire de chaussures, qui à la fois lui assure de gagner quelques précieux centièmes de seconde et surtout lui garantit de substantiels revenus s’il est parvenu à inscrire son nom à un quelconque palmarès.
Dans certains sports, les chaussures sont directement associées au nom d’athlètes comme David Beckham, Zinedine Zidane ou encore Stan Smith, le joueur de tennis américain vainqueur de l’US Open en 1971 et de Wimbledon en 1972. Les équipementiers ont parfaitement pris conscience de l’intérêt d’affubler leurs produits du patronyme de tel ou tel champion. "Il ne fait aucun doute que les consommateurs veulent se reconnaître dans des marques et des noms qui incarnent le plaisir, l’énergie ou bien la perfection", confirme Meghan Cleary, auteur de The Perfect Fit : What Your Shoes Say About You [L’accord parfait : ce que vos chaussures révèlent de vous, éd. Chronicle Books].
Les chaussures Air Jordan, fabriquées par Nike, en sont la meilleure illustration. "Les consommateurs ont manifesté leur intérêt pour l’association d’un sportif avec un type de chaussure, car ils peuvent ainsi s’approprier le produit et tout ce qui caractérise le sportif qui lui a donné son nom", poursuit Meghan Cleary. L’athlète joue évidemment un grand rôle, au même titre que sa médiatisation. Avant Michael Jordan, il existait bien des sportifs renommés, mais le talent de ce basketteur hors norme, couplé à une présence répétée dans les médias audiovisuels et à une affirmation de l’identité noire aux Etats-Unis, a permis d’imposer durablement un style Jordan et une ligne de produits dérivés dont les chaussures constituent le principal élément.
Vingt ans plus tard, ce modèle de développement est devenu la norme pour la plupart des sportifs de haut niveau... et pour les équipementiers qui ont besoin d’un nom pour vendre leurs chaussures. La magie Jordan continue d’opérer, comme le confirme le succès de la nouvelle AJXX, lancée en fanfare en février 2005 et dont plus de 85 % des paires mises sur le marché ont été écoulées, en dépit d’un prix relativement élevé : 175 dollars [145 euros]. Si Nike est devenu le numéro un de la chaussure de sport, il le doit assurément à Jordan et ses chaussures miracle. Cela a amené les autres marques à redoubler d’efforts pour ne pas être définitivement distancées.
Adidas, Reebok ou encore Puma multiplient les initiatives pour rester dans la course, courtisant les plus grands noms pour en faire leurs porte-drapeaux. Mais force est de reconnaître qu’aucun sportif n’est parvenu à la hauteur de Michael Jordan et qu’aucun n’a réussi à donner à une paire de chaussures un caractère aussi universel que l’Air Jordan. C’est si vrai que pour se faire une place au soleil, les autres fabricants doivent multiplier les coups pour exister. Reebok s’est éloigné des terrains de sport pour écumer l’asphalte des rues, en pariant sur des personnalités qui n’ont pas grand-chose à voir avec le sport, comme le rappeur 50 Cent.
Néanmoins, il s’agit toujours de véhiculer un message et de suggérer aux futurs possesseurs que le fait de porter la même paire de chaussures que 50 Cent leur permettra de surpasser toutes les difficultés de la vie et de s’affirmer. "Je suis ce que je suis", proclame la campagne publicitaire de la marque anglaise. C’est aussi le credo d’And1, la moins célèbre des marques, qui a cependant réussi à s’imposer au sein de la prestigieuse NBA derrière Nike, en fondant sa notoriété sur un basket champagne construit autour des dribbles et des rythmes hip-hop. Le basket de la rue, moins académique et plus spectaculaire, est ainsi parti à la conquête des gymnases grâce à un fabricant de chaussures qui n’existait pas encore il y a dix ans.
Reste à savoir si And1 parviendra à conserver sa place de dauphin et à conquérir d’autres disciplines que le basket, à un moment où certains fabricants, à l’instar d’Adidas, semblent mettre l’accent sur la chaussure technologique. Avec 1, la marque aux trois bandes a choisi de placer un capteur sous le talon pour mesurer la compression de la semelle à chaque pas et, lorsque celle-ci n’est plus adéquate, un petit moteur la modifie afin d’améliorer le confort du pied. A 250 euros la paire, la 1 reste hors de portée de la plupart des bourses, mais elle souligne la volonté des équipementiers de proposer des produits de plus en plus performants, capables de répondre aux attentes sportives de leurs propriétaires. D’autant plus que certains d’entre eux n’hésitent pas à faire appel à la justice quand ils ne sont pas satisfaits.
Zheng Qingsheng, responsable de l’Institut de mécanique corporelle à Pékin, vient d’en faire la démonstration en attaquant, le 19 mai dernier, Nike devant un tribunal chinois. Il estime que la technologie Air développée par le fabricant américain favorise les blessures aux chevilles chez les sportifs et que cette ligne de chaussures n’est qu’"une escroquerie pseudoscientifique". Il va sans dire que le procès engagé par ce spécialiste chinois n’est pas gagné d’avance, mais que cela risque de nuire à l’image de la marque américaine. Cela amènera peut-être certains sportifs à abandonner leurs chaussures et à suivre l’exemple d’Abebe Bikila. On peut toujours rêver.
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